Algerie 2008

Voyage dans le désert algérien entre treck et astronomie

Serge

Comme promis, nous retournons en Algérie à Djanet en tout début janvier et avons l’immense plaisir de retrouver notre cher guide Ali. Arrivant tard en soirée, nous bivouaquons près de l’aéroport sous un ciel qui me semble être le meilleur de notre séjour. Hélas, trop las du voyage, nous bouderons nos instruments et le contemplerons du fond de nos duvets. Le lendemain, nous essuyons une tempête de sable rendant le paysage irréel, faisant émerger du néant des rochers fantomatiques et rendant le repas du midi « croustillant ».

 




 

Ce coup-ci, nous allons nous perdre un peu plus au sud de Djanet et visiter le massif du Tadrart, montagnes frontières avec la Libye. La destination étant plus lointaine et le trajet plus conséquent, nous disposons d’une caravane de trois véhicules, avec pour chauffeurs, Le jeune et discret Mustapha, magnifique dans sa tunique outremer et son cheich blanc. Le joyeux Abdoul, grand échalas au rire remarquable, le MP3 toujours sur les oreilles. Il écoute du rock sénégalais, le seul valable à son avis. C’est lui qui, dès l’arrivée du convoi, est chargé d’allumer le feu et de préparer le thé à la menthe. A la fin du repas, les théières sont consciencieusement astiquées au sable et retrouvent leur éclat d’origine. Enfin, Abasse, gaillard rigolard. Il pilote à son grand dam la voiture la plus poussive de la caravane, malgré sa doudoune décorée à l’effigie de BMW formule 1. Il est l’inséparable ami du cuisinier l’Amine. Du matin au soir, autour du feu ou dans la voiture, tous deux débattent jusqu’à plus soif des choses de la vie. Ce brave l’Amine nous fera une cuisine efficace, alternant les crudités variées du midi aux copieux plats du soir, allant même jusqu’à nous préparer des frites en plein désert. Bien sur, nous avons la joie de déguster la fameuse taguela, pain de semoule particulièrement bourratif cuit dans le sable sous le feu. Et puis, il y a Mama, le fils d’Ali qui du haut de ses quinze ans, apporte une touche d’espièglerie.

Les paysages traversés sont d’une rare beauté, où se conjuguent de sombres massifs tabulaires gréseux particulièrement déchiquetés avec le sable envahissant le fond des oueds asséchés ou submergeant dans un élan de gigantisme les plus hauts sommets. Ici, ce sont de titanesques arches de pierre sur un tapis d’ocre jaune, là, d’innombrables aiguilles rocheuses surgissant de dunes rouges. Certaines pierres « pleurent du sang » quand on les frotte. Par endroits, le fech-fech en fine poussière blanche poudroie et s’insinue partout. Plus loin, le monde des dunes dévoile leurs courbes sensuelles. Cet univers aujourd’hui minéral fut jadis une savane où paissaient toutes sortes d’animaux et où l’homme habitait. En témoignent les très nombreuses peintures et gravures rupestres aux traits sûrs que nous contemplons, les tesselles de poterie, les outils en pierre taillée ou polie que nous découvrons.



Les nuages sont présents une bonne partie du séjour. La nuit, le ciel est parfois couvert et voilé mais nous bénéficions de quelques nuits vraiment remarquables. Mais les observations sont écourtées en milieu de nuit car… nous avons froid, très froid. En effet, il y a toujours un petit vent qui accentue cette désagréable sensation. Nous cherchons à nous mettre à l’abri du relief, mais ne trouvons pas toujours l’optimum.

Et puis, lors du trajet du retour, il y a ce bruit bizarre qui vient de l’arrière du véhicule, quand l’engin tressaute sur les pistes défoncées. Des chocs et des cliquetis proviennent des bagages et plus particulièrement, des télescopes… A l’arrivée, j’aurai le choc de découvrir des éclats de Pyrex dans le rocker du Dobson de 400. Le miroir primaire est ébréché sur la périphérie. Les cales latérales qui le maintiennent ont été remontés à l’envers, ce qui fait que le verre était en contact direct avec des parties métalliques. Heureusement, un star-test montre que les qualités optiques ne se sont pas dégradées dans cet incident. Comme une vielle assiette, on peut toujours y boire la soupe, mais elle est ébréchée…

 



 

Malgré ces désagréments, la quiétude de ce séjour ne s’en est trouvée nullement affectée. En ces lieux, chacun est subjugué, émerveillé et le rythme de vie qui s’installe tout naturellement minimise radicalement l’importance de ces petites contrariétés.



Nos observations astronomiques


Tout de même, nous effectuons de belles observations. Bien évidemment, c’est Orion qui est à l’honneur, trônant très haut sur le méridien, avec le poudroiement de la Voie Lactée à sa gauche, constellé des étoiles les plus brillantes du ciel. Comment se lasser de la grande nébuleuse vue ici dans des conditions parfaites. Chacun a pu discerner la Tête de Cheval, ce qui est un bon critère de qualité. Mais aussi, nous avons le plaisir de découvrir de visu des objets plutôt dédiés à l’imagerie comme la nébuleuse de la Méduse ou celle de la Tête de Singe. J’éprouve une grande joie en découvrant enfin la nébuleuse de la Rosette, telle qu’elle paraît sur des photos. L’image est très grande et pâle, centrée sur un brillant amas stellaire. Des zones tourmentées plus où moins claires dessinent une vaste auréole découpée de sombres et tortueux chenaux. Un régal que je tente de reproduire sur le papier sans succès. C’est un travail très délicat par l’étendue de l’objet, la complexité du champ stellaire et des nébulosités, ainsi que leur extrême pâleur. Je me promets ce chalenge pour une prochaine fois.

Plus modestement, je croque la nébuleuse du Casque de Thor, objet magnifique et brillant, avec de nombreux détails C’est une bulle filamenteuse au centre de quatre ailes tourmentées. Bien évidemment, nous avons consciencieusement visités un grand nombre de galaxies dans la zone qui va de la Vierge à la Grande Ourse en passant par le Lion et la Chevelure de Bérénice. Je me suis longuement attardé sur les grandes célébrités telle l’œil noir, avec un bulbe particulièrement bien cerné de forme légèrement en losange. Mais aussi la magnifique NGC 4565,
étroit fuseau qui traverse l’intégralité du champ du Nagler 12 mm, la chaîne Markarian et toutes ses composantes, les Messiers en tous genres, les grandes spirales et les plus petites. J’ai apprécié une belle vision des antennes avec une légère perception des deux extensions. Et puis le plaisir d’explorer les objets australs avec une mention toute
particulière pour l’amas du Fourneau. Que de dessins à faire, mon futur T400 me manque déjà…

En toute logique, nous emportons nos télescopes dans le désert pour bénéficier d’une qualité d’atmosphère permettant d’obtenir de belles performances en ciel profond. Mais le balai planétaire qui – étant sur le tropique du Cancer et étant proche du solstice d’hiver – passent exactement au zénith a quelque chose de fascinant. Dès le brutal crépuscule, nous contemplons avec aisance Mercure qui éclate juste au-dessus des dunes. Puis cette énorme lumière zodiacale qui persiste plusieurs heures durant et que l’on retrouve au matin avant les lueurs de l’aube, avec l’énorme phare de Vénus. Et surtout, Mars puis Saturne exactement à la verticale… En fin de compte, j’ai plus observé les planètes que les nébuleuses.

Je remarque et dessine Saturne avec une teinte moins jaunâtre qu’à l’accoutumé, tirant franchement sur le blanc. Et puis Mars, observé avec de jolis trous de turbulence. Un des dessins présente une forme générale bizarre, comme si les principales formations avaient subi une transformation en spirale. Il se trouve que cette observation s’est déroulée pile au passage au zénith. Par conséquent, j’ai pivoté le Dobson d’un demi-tour pendant la réalisation du dessin. La rotation de champ qui en résulte a suivit cette ronde, m’obligeant sans cesse à reconsidérer l’orientation du dessin. Moment rare et étrange…

Mais par dessus tout, il restera de cet admirable périple, un sentiment de plénitude et de pur bonheur, que je pense fut partagé par tous. Chacun a savouré ces rares instants où, les fesses calées dans un sable chaud couleur brique, nous contemplons incrédule, les beautés minérales de notre planète dans l’embrasement du couchant.

Rêves de désert : "Au bout de la patience il y a le ciel" (proverbe du Tassili n'Ajjer)

Natacha

Tassili N'Ajjer : la traversée fantastique


 

Depuis la France 4 h d’avion jusqu’à Djanet, belle oasis dans le Tassili n’Ajjer, proche de la frontière de la Lybie et du Niger, et une centaine de kilomètres en 4 x 4 suffisent pour se retrouver propulsé en plein cœur du désert algérien.
Un désert immédiat… un choc pour l’esprit mais encore plus pour le corps plongé dans un univers de sensations nouvelles.
La première nuit, en direct avec la voûte céleste, est époustouflante de beauté, les étoiles par milliers brillent avec une netteté inconnue sous nos latitudes et je m’endors, rêvant déjà aux observations futures.

Voyager dans le désert c’est découvrir la magie de sa lumière, se laisser envahir par l’immensité des dunes, se perdre dans les forteresses de pierres ou se reposer à l’ombre de quelque rare arbuste. Un voyage au Sahara est le meilleur moyen de se ressourcer. Au rythme des Touaregs, on oublie l’agitation des villes pour retrouver ses racines, accorder ses pensées à la simplicité de ce qui nous environne.

Fugue dans le Tassili n'Ajjer

« Magnitude 78 » récidive. L’an passé l’expérience étant concluante, un groupe est reparti cette année du 5 au 13 janvier pour vivre le désert et observer le ciel. Je me suis inscrite pour participer à cette aventure.

Après avoir visité rapidement Djanet et supporté un vent de sable, ce début de semaine s’ouvre sur une belle échappée en 4×4 pour atteindre des massifs de pierres torsadées, érodées, taraudées, fissurées. Des tours et des champignons de grès aux formes fantastiques émergent dans l’immensité de cet univers minéral.
Jadis, les caravanes empruntaient les routes commerciales du désert pour le transport du sel à dos de chameaux, aujourd’hui quelques caravanes de marcheurs curieux s’aventurent dans ce paysage mythique. Quelle chance de pouvoir vivre cette expérience !

Chaque jour on alternera bivouac, longues balades à pied et trajets en 4×4 pour arpenter la Tadrart, une partie peu connue du Tassili n’Ajjer. Le matin, dès le réveil, je jette un coup d’œil hors de la tente : les étoiles indifférentes au froid résistent encore à l’aube naissante. Saluer le lever du soleil est toujours un moment magique, l’apparition de l’astre solaire prend une dimension quasi mystique.
Alentour les pics déchiquetés, crocs de pierres mordant le ciel, encore enveloppés de nuit, se réchauffent sous les premiers rayons. Ce jour-là le disque d’or se lève enfin sur le Ti-n- Merzouga, une montagne de sable.

Après un thé brûlant et quelques tartines grillées sur le feu de braises, quel luxe dans un désert ! les tentes sont repliées et nous partons. Cap vers les dunes de sable et les châteaux de grès.

Drapé dans son burnous lustré par le sable et le soleil, chech au vent, bâton rythmant la marche,  il avance sans effort. Le pas sûr et régulier, Ali, notre guide, nous escorte dans ce décor qu’il connaît dans ses moindres détails. D’un œil expert, Ali suit le faîte de la dune, choisit sa trajectoire avec soin et les uns derrière les autres, nous suivons sa trace. Parfois, dans les grands espaces, chacun va à sa guise, plongé dans ses pensées.

Nous semblons errer dans un chaos décapé par le vent et l’érosion qui ont façonné ce royaume de statues pétrifiées et ces fantômes immobiles. L’immensité de ces étendues de pierres, la beauté du relief avec ses éboulis de basalte invitent à la contemplation… Instants rares au cœur du désert.

Surpris dans sa quiétude, un lièvre surgit de la maigre végétation et s’enfuit à travers les touffes d’herbes. Le traquet à tête blanche ou « moula moula » l’oiseau porte-bonheur des Touaregs, chante et nous observe du sommet d’un arbuste tandis que lézards et marmottes filent se réfugier derrière les cailloux. Un chameau, victime des chacals, viscères à l’air, ne sera bientôt qu’un tas d’os.

A midi la halte près d’impressionnants rochers sertis dans un écrin de sable, rassemble le groupe et nos guides pour un repas froid dont les ingrédients, riches en couleurs, stimulent notre appétit. Moment convivial partagé sur une natte multicolore.

Repos de la mi-journée pour savourer le temps qui passe, la douceur de la température, l’immensité du lieu. Au gré de ses envies, on s’allonge sur le sable pour rêver, on suit des yeux une crête de sable qui monte vers le bleu du ciel, on ausculte le sol à la recherche de pointes de flèches ou de débris de poteries. On monte, solitaire, sur un piton de grès pour admirer le désert… son désert.

Une certaine sérénité m’envahit, la majesté des lieux m’enivre. Rester là encore et encore… mais c’est impossible, ma vie est ailleurs !

Il est temps de repartir, les 4×4 vrombissent pour passer de hautes dunes. Mohamed, Amine, Mustapha sont des as de la conduite mais le choix du parcours, la précision de la conduite ne souffrant aucune erreur, l’œil doit être  très sélectif sinon il faudra recommencer.

A nouveau des montagnes aux formes délirantes et des dunes de sable aux lignes si pures et si belles. Tous nos sens sont en éveil. Ici, Ali nous fera découvrir et admirer de belles peintures rupestres abritées sous la falaise : antilopes, bovidés, girafes, éléphants, cavaliers se côtoient dans une immense cavité, ailleurs ce sera une guelta emprisonnée entre des rochers, où viennent s’abreuver les animaux. La vie devait être très animée autrefois dans cette région.

Avec le soleil du soir, les ombres s’allongent à l’infini. Arrivé au bivouac, chacun s’affaire, choisit le meilleur endroit près du rocher, monte la tente pour passer la nuit. Pendant ce temps Abdul nous prépare le thé vert sur un petit feu de braises : gestes rituels et mille fois répétés. Très sucré, mousseaux, la tradition veut que chacun en consomme 3 petits verres. Il sera chaque jour accompagné de délicieuses dattes et figues sauvages.

Puis nous installons nos télescopes à l’abri du vent. Ces préparatifs nous absorbent jusqu’au moment où le soleil se prépare à disparaître derrière l’horizon. Vite, pour ne rien manquer du spectacle, il faut gravir le rocher le plus élevé : silence, sérénité face à cette nature splendide, sauvage et rude. Ça y est les derniers rayons et on flotte tel un bouchon sur un lac. L’imagination vagabonde. Mais… qui a vu le rayon vert ?

Après dîner, c’est le moment de partir chasser nébuleuses et galaxies : les télescopes nous attendent. La nuit est tombée sur le campement alors que la lune se lève, nous faisant cadeau d’une merveilleuse lumière cendrée. Il va faire froid, les Touaregs, eux, restent autour des braises. Quelquefois, poussés par la curiosité, ils viendront jeter un coup d’œil à l’oculaire et admirer les beautés nocturnes.

La semaine est terminée. Nous rentrerons avec dans le cœur mille souvenirs merveilleux, ayant partagé des moments intenses et la découverte du désert autour d’une même passion : l’astronomie.

Regarde les étoiles, l’heure est au recueillement

Ton voeu réalisé sous la voûte céleste.

L’immensité du désert

la beauté du firmament

attirent les chercheurs d’absolu.

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