On avait acheté des billets en 2019 pour un séjour en mars 2020. Un virus en a décidé autrement. Tenace le virus, donc ce n’était pas possible non plus début 2021. En septembre 2021, un volcan se réveille. Il a repoussé notre voyage encore une fois. Il a fallu attendre que l’île panse ses plaies.
Finalement, le 10 octobre 2023 à 7h00 Eric, Laurent, Jean-François, Pierre, Yannick et moi avons embarqué porte A19 à Orly 1 direction La Palma via Madrid (et son sandwich au Jamon) pour une arrivée sur l’île en début d’après-midi. Serge et Elyane qui se baladaient aux Canaries, d’île en île avec leur van depuis quelques semaines, allaient nous rejoindre.
Une fois les voitures récupérées et la remise des clés de la maison à Tijarafe, les choses sérieuses peuvent commencer !!
A la Palma, notre rythme était simple: réveil vers 9h, petit déjeuner vers 10h puis visites des grands sites de l’île. En effet, 3 d’entre nous n’y étaient jamais venus.
Le déjeuner se situait vers 14h et puis quelques courses ou quartier libre. Après on se préparait et on partait, vers 19h, pour les observations astronomiques jusqu’à 2h ou 3h du matin. Et on recommençait le lendemain.
Cette année lors de notre séjour, il y avait ce vent chaud venu du Sahara appelé Calima. En plus d’une température exceptionnelle pour la saison (entre 35°C en journée et 10°C la nuit en altitude), ce vent apporte un voile dans le ciel qui a grandement dégradé nos observations, on a eu un ciel stable, laiteux et sans noirceur.
Les visites
Le volcanisme
Depuis notre dernière visite, l’île a subi de gros changement d’ordre volcanique. Les coulées ne sont pas liquides en surface, de gros blocs de roches ont flotté ce qui génère des massifs très découpés et dangereux de plusieurs mètres de haut au dessus de certaines maisons. C’est vraiment étonnant de voir comment des maisons ont été épargnées, seules isolées au milieu de la coulée. L’allumage de cierges doit parfois fonctionner…!!
C’était étonnant de trouver qu’à 1 m de la coulée, des palmiers soient restés debout et aient donnés des fruits cette année. L’explication qu’on nous a donnée est que la lave à 1400°C environ a besoin de beaucoup d’oxygène et “l’aspire”, ce qui ne favorise pas la combustion de la végétation juste à proximité.
El roque de los muchachos
Nous commençons à bien connaitre le site après 4 séjours sur l’ile, mais c’est toujours plaisant de prendre la route et ses 50 épingles à cheveux jusqu’à 2300m et découvrir ces grands champignons blancs posés sur la crête. Cette année nous n’avons pas visité les coupoles, nous nous y sommes pris un peu trop tard. Nous avons pu constater que depuis la création du centre astronomique pour les touristes que 4 entreprises concurrentes proposent de faire les visites du Gran Tecan….le business est arrivé là haut!!
Même là-haut le ciel est loin d’être coronal, le ciel diffuse beaucoup à cause de la calima et du sable projeté dans l’atmosphère. Habituellement, la mer de nuage rentrait dans la caldera, il n’était pas possible d’en voir le fond.
Les cascadeurs de Puntagorda
A La Palma, la côte ouest est particulièrement tourmentée de part sa topographie volcanique, tombant souvent en parois abruptes face à l’océan. Pourtant, la petite ville de Punta Gorda dispose d’un port farouche des plus minimalistes. On y accède par de longues volées de marches taillées dans le roc à flanc de falaise, desservant en chemin de petites cabanes encastrées dans la paroi pour arriver dans les récifs où se fracasse la grande houle de l’ Atlantique. S’il y a des petites barcasses, elles sont probablement tirées rapidement hors des flots. La limpidité des eaux et les fortes chaleurs inspirent à une baignade sympa dans ce lieu improbable et une sorte de petite piscine bétonnée dans les rocs de basaltes nous y invite. On barbote joyeusement dans cette baignoire mais on se dit qu’il serait infiniment plus amusant d’aller dans l’autre petit bassin – relié au premier par un petit canal, c’est un ingénieux système de remplissage – car face au flots, il reçoit mieux les vagues. On est là, paisibles et heureux quand soudain, une muraille d’eau se fracasse sur les rochers en une fantastique gerbe d’écume. Juste le temps de se dire que ça va chier velu. Le Jean-Françoué resté sagement au sec immortalise l’instant, craignant un instant pour sa part d’être touché par les flots .
En une fraction de seconde, on se prend tout en pleine gueule, nous sommes littéralement submergés, incapables de quoique ce soit dans cette machine à laver géante, à la merci des flots qui nous soulèvent et nous emportent avec une force inouïe, non-de-d’la !!!
l’eau gicle et déborde largement du bassin, nous entrainant comme fétus de paille sur les roches et dévalant vers l’océan en contrebas, AYAYAYA !!!
… et l’on se retrouve un peu sonnés dans l’océan blanc d’écume, ballottés par les flots, un peu hagards et soucieux de notre intégrité physique, le temps de compter nos abatis. Apparemment tout fonctionne, tout bouge, rien de cassé, si ce n’est quelques éraflures. Ca va toi ? ouaip, on dirait que ça va, et toi ? Dans la bataille, nous perdîmes chapeau (ayayaaaa on bob !!!) zé lunettes, par bonheur nous conservâmes nos slips pour préserver un soupçon d’honneur et de pudeur – car spectateurs ébahis et horrifiés il y avait.
C’est qu’il faut revenir à la terre ferme, et la côte n’offre que bien peu d’échappatoires, si ce n’est ce petit escalier en roche un peu plus loin qu’il va falloir rejoindre, penaud, mais aussi hilares d’être toujours là. Une fois sortis de l’eau, ben on va dire que c’est pas joli-joli (punaise, j’ai pris du bide) et qu’on prend conscience que….. A l’heure qu’il est, ça picote toujours un peu.
Santa Cruz
On a souvent délaissé Santa-Cruz lors des précédents séjours au profit de la cote ouest. Cette ville est souvent sous les nuages encore fixés sur les crêtes en surplomb, l’hygrométrie a l’est y est plus importante, la végétation est aussi bien différente.
Santa-Cruz est la grande ville historique de l’ile; les vieilles habitations colorées avec des balcons en bois façonné se succèdent dans les rues pavées de galets. La ville était aussi une ville fortifiée, dont il reste une encore quelques traces. Au détour d’une petite ruelle, nous sommes arrivés sur une grande place pavée qui servait de parvis à l’église San-Francisco ; un très beau bâtiment au plafond sculpté et l’autel doré.
Les salines au sud de l'île.
Sur la pointe sud de l’île, il y a un phare bien sur mais aussi une petite société de production de sel, très artisanale. La cote est très graphique avec ces petits bassins roses bordés de tas de sel contrastant avec la roche volcanique très sombre, le ciel et la mer bleue.
Les formes et les couleurs font penser à des peintures abstraites qu’on pourrait exposer dans un musée.
La gastronomie locale
Sur l’île nous avons notre cantine le ‘ »Varadero » sur le port de Tazacorte, un petit restaurant typique avec une cuisine familiale dont la mama est derrière les fourneaux.Ici nous ne sommes pas chez Bocuse, mais la fraicheur des poissons et la générosité des plats est sans concurrence pour un pris très contenu.
Dans les saline nous avons découvert cette année un restaurant dans lequel on reviendra !! Come le site est assez touristique, une petite boutique et un restaurant ne désemplissent pas à l’heure du déjeuner. Jusqu’à présent, nous avions snobé ce restaurant, pensant que c’était un attrape touriste… grave erreur, c’est une super adresse référencé au Bib gourmand Michelin.
ici, le raffinement et l’originalité des plats n’a rien à voir avec ce que nous avons connu sur l’ile. On sort des fritures et des petites salades pour une vraie recherche gastronomique.
Nos observations / nos travaux astronomiques
L'éclipse
Le jour où nous sommes arrivés sur l’île, nous avons reçu un mail de Nicolas nous rappelant que le 14 octobre, il y a une éclipse de Soleil qui va l’occulter à 5% au coucher, la Palma étant la limite de visibilité de ce phénomène. Pour tout vous dire, cela nous était sorti de la tête. Ce jour-là, nous sommes partis plus tôt pour nous mettre en place.
Pierre avait installé le filtre solaire lumière blanche sur son T250. Il était à l’horizontal et le miroir risquait de se décrocher. Donc avec beaucoup de précautions on a observé cette éclipse ainsi que les taches solaires. Serge a réussi à dessiner l’éclipse.
Jean-François a exorcisé le moment en croisant les réglettes passe-filtre, cumulant le OIII et le Hb pour compléter les lunettes de soleil.
Nous avons vu la Lune grignoter petit à petit le Soleil juste au-dessus de l’horizon. Puis la partie grignotée par la Lune est passée sous l’horizon suivi du reste du Soleil.
Fin de l’éclipse!
Maintenant, on peut cocher celle-ci sur la liste des éclipses!
Les nuits
Après avoir mis en place nos instruments, chacun suivait son programme d’observation. Très régulièrement l’un ou l’autre disait “j’ai NGCxxxx (ou Myy ou ICzzz ou PGCmmmmm), dans l’oculaire si cela intéresse quelqu’un?” et nous convergions vers lui pour jeter un coup d’œil. Démarraient alors des discussions du style “c’est quoi?” ou “moi je vois une tâche qui va vers le bas” ou “c’est plus une impression qu’une vraie vision même en vision décalée” ou encore “moi je ne vois rien! qu’est ce que je suis censé voir?” etc,…
Un soir, Jean-François pointe le quasar PRK926 (PGC70409) et nous appelle pour le voir. Il est d’une magnitude de 13,8. Il est à 640 millions d’années lumières d’ici (pour fixer les idées, on a regardé la lumière émise bien avant les premiers dinosaures sur Terre). En fait on n’a pas vu qu’un point, on a vu une petite tâche, la galaxie qui l’abrite.
Nos nuits étaient ponctuées de chansons entamées par Serge qui, en observant, dessinait ce qu’il voyait et cela lui inspirait des chants lyriques ou de la chanson française, c’est selon. Etant isolés dans les montagnes, elles lui renvoyaient un écho. Comme si toute la nature environnante participait à ce concert improvisé.
Yannick, Serge et Raphaël