Buée et lame de fermeture

une histoire de transfert thermique

Didier Levavasseur

Chaque astronome amateur a immanquablement subit une nuit ou l’autre un fâcheux dépôt d’humidité mettant prématurément fin à une séance d’observation prometteuse. Tout à chacun a pu également constater que les instruments à tube fermé sont très sensibles à l’humidité : un dépôt de buée ou de givre se forme très facilement sur la lentille frontale des lunettes, sur les lames de fermeture des Schmidt-Cassegrain ou les ménisques des Maksutov. Les tubes ouverts y sont nettement moins sensibles mais ne sont pas à l’abri pour autant : j’ai le vague souvenir que le miroir secondaire est en général affecté le premier mais il m’est également arrivé de voir le primaire d’un Newton se couvrir de buée. Ces dépôts d’humidité apparaissent d’ailleurs aussi bien en été qu’en hiver sous forme de buée ou de givre lorsque la température ambiante est inférieure ou proche de 0°C. Les tubes sont également affectés et peuvent se transformer paraît-il dans certaines situations désespérées en quelque chose qui ressemble à une gouttière.

La solution habituelle pour lutter contre ce phénomène est l’utilisation conjointe d’un pare-buée et d’une résistance chauffante (je sais par expérience que l’utilisation d’un pare-buée seul ne suffit pas, et à l’évidence une résistance chauffante seule ne suffit pas non plus comme un témoignage récent me l’a confirmé). Ces mesures ont essentiellement un caractère préventif, les seules actions curatives vraiment efficaces étant le sèche-cheveux ou le retour à la maison. Il est communément admis que la longueur optimale du pare-buée doit être approximativement le diamètre du tube optique : ceci paraît être effectivement un bon compromis entre l’efficacité du bafflage radiatif et l’encombrement sans pour autant créer de vignetage. L’utilisation d’une résistance chauffante nécessite l’emploi d’un contrôleur : la conception et la réalisation d’un contrôleur de résistance chauffante avec ou sans régulation de température ne présente aucune difficulté pour l’électronicien. J’ai réalisé à l’occasion quelques contrôleurs à 4 voies couplées ou indépendantes construits autour d’un microcontrôleur 8 bits et permettant le réglage de la puissance entre 10% et 100%. La réalisation d’une résistance chauffante à partir d’éléments discrets est triviale et est abordée par de nombreux sites d’amateurs.

Prototype d'un contrôleur 4 voies couplées
En revanche, la détermination de la puissance de chauffage nécessaire pour éviter la formation de buée, au travers d’une bonne compréhension des mécanismes mis en jeu, est un exercice nettement plus intéressant. Il n’existe pas à ma connaissance de site traitant du sujet que ce soit en anglais ou en français : je les ai cherchés désespérément pendant quelques heures. Lorsque le sujet est évoqué il est juste fait référence à une puissance suffisante (cela me rappelle une fameuse histoire au sujet d’un fût de canon!) et les puissances proposées par les fabricants semblent avoir au mieux été déterminées empiriquement. C’est à croire qu’aucun spécialiste du transfert de chaleur ne pratique l’astronomie. Je n’ai d’ailleurs identifié que quelques sites internet présentant une utilité quelconque à la résolution du problème et ils sont de plus tous en anglais sauf deux. Je ne suis pas un spécialiste du domaine, auquel je ne me suis jamais intéressé jusqu’alors, mais il me semble que si un calcul précis est difficile (je ne vois personnellement pas d’autre solution qu’une analyse par éléments finis poussée) car les mécanismes sont complexes et fortement non linéaires, la détermination d’un ordre de grandeur à l’aide d’une modélisation rudimentaire est assez facile pour un non-spécialiste à condition qu’il soit muni d’une bonne documentation sur la question, de quelques connaissances en physique et en mathématiques, et d’un peu de courage. Le but de ces quelques pages est de présenter les hypothèses sur lesquelles reposent le calcul et les résultats obtenus que chacun pourra confronter à son expérience en gardant à l’esprit que le modèle utilisé est évidemment perfectible et qu’il y a encore de quoi bien s’occuper sur la question : je n’ai notamment pas examiné de solution basée sur le dépôt d’une couche basse émissivité sur la lame de fermeture, couramment employée pour les optiques professionnelles mais qui ne concerne pas mon Maksutov ni jusqu’ici les Schmidt-Cassegrain du commerce. Ce n’est pas un cours de transfert thermique que je n’aurais pas la prétention de pouvoir faire, mais quelques éléments théoriques appliqués au problème sont présentés en annexe I dans le fichier qui reprend les paragraphes suivants en y ajoutant la synthèse pour les diamètres de 10, 12 et 14 pouces. Les commentaires avisés sont comme toujours les bienvenus, et j’invite les amateurs équipés pour la mesure des températures et des taux d’humidité relative à me faire part de leur expérience.

Conditions de formation de la buée

La buée se forme sur une surface lorsque sa température est inférieure ou égale au point de rosée auquel cas la vapeur d’eau contenue dans l’air ambiant se condense. Lorsque la température de la surface est inférieure à 0°C, il y a formation de givre par sublimation inverse.

J’ai utilisé la formule suivante [R3] qui donne le point de rosée TR en fonction de la température ambiante TA et de l’humidité relative HR avec une approximation meilleure que le degré :

où :

  • TR et TA sont exprimés en °C

  • HR est exprimé en %

On peut alors tracer la valeur du point de rosée en fonction de l’humidité relative et plus intéressant encore l’écart de température entre le point de rosée et la température ambiante.

Différence entre le point de rosée et la température ambiante en fonction de l'humidité relative
Point de rosée en fonction de l'humidité relative

Ceci amène quelques commentaires :

  • le point de rosée est toujours inférieur ou égal à la température ambiante

  • l’écart entre le point de rosée et la température ambiante décroît avec l’augmentation de l’humidité relative

  • lorsque l’humidité relative est de 100%, le point de rosée est égal à la température ambiante et il y a présence de brouillard

  • lorsqu’il y a baisse de la température ambiante à densité volumique de vapeur d’eau constante, il y a augmentation de l’humidité relative [R5]. Lorsque la nuit est claire, l’humidité relative est presque toujours plus élevée en seconde partie de nuit, le refroidissement du sol par rayonnement provoquant par convection le refroidissement de l’air. Ce phénomène connu sous le terme d’inversion de température est d’ailleurs un des mécanismes d’apparition du brouillard, et l’examen de la courbe suivante tendrait à faire penser qu’un taux d’humidité de 85% au début d’une nuit claire va systématiquement donner du brouillard au matin. Il apparaît que la baisse de température par rayonnement au cours de la nuit [R6] peut atteindre la dizaine de degrés.

Accroissement du taux d'humidité relative avec la diminution de température

Comment éviter la formation de buée : approche qualitative

Pour éviter la formation de la buée, il suffit de maintenir l’ensemble des pièces optiques à une température supérieure au point de rosée. Il ne serait pas inintéressant non plus de maintenir l’ensemble du tube à une température supérieure au point de rosée pour éviter toute condensation favorable à l’oxydation des métaux ou à l’altération des matériaux synthétiques. La température d’un corps s’établit en dressant le bilan des flux de chaleur échangés entre le corps et son environnement. Le corps se stabilise à la température pour laquelle le flux entrant est égal au flux sortant en tenant compte de l’absorption ou de la création interne de chaleur. Les 3 modes d’échange de chaleur sont :
  • la conduction qui définit un échange par contact entre 2 solides
  • la convection qui définit un échange par contact entre un solide et un fluide
  • le rayonnement thermique qui définit un échange à distance par radiation électromagnétique
En premier lieu, il conviendrait de maintenir l’ensemble de l’instrument (pare-buée inclus) à une température aussi proche que possible de la température ambiante mais toujours inférieure, afin de minimiser la turbulence locale due à la convection générée par le tube bien que la température d’un tube laissé à un refroidissement naturel ne s’écarte pas de la température ambiante de façon me semble-t-il à générer une turbulence locale gênante. Cette configuration présente en outre l’avantage de permettre de minimiser l’échange de flux de chaleur entre le télescope et l’atmosphère dont l’évaluation précise est difficile. De plus c’est bien la situation vers laquelle nous allons essayer de converger lorsque l’humidité relative est élevée, cas le plus propice à l’apparition de la buée. Négliger le transfert de chaleur par convection reviendrait en outre à fournir dans tous les cas où la température du télescope reste inférieure à la température ambiante un majorant de la puissance de chauffage à appliquer puisque le transfert de chaleur s’effectue alors de l’atmosphère vers l’instrument. Quoiqu’il en soit, le coefficient surfacique de convection h reste pour notre problème de convection naturelle en régime laminaire bien inférieur à 10 W/m2 K. Donc si on se place dans l’hypothèse d’un instrument en quasi-équilibre thermique avec l’atmosphère le seul mode d’échange de chaleur significatif entre l’instrument et son environnement reste le rayonnement thermique. Le premier moyen que nous avons à notre disposition pour lutter contre les dépôts d’humidité est le pare-buée dont le rôle n’est pas d’absorber l’humidité de l’air, car autant essayer de vider la mer avec une éponge (tiens cela me rappelle cette fois une fameuse histoire d’éponges!), mais d’augmenter le flux de chaleur radiatif reçu par la lame de fermeture ou la lentille frontale. La fonction d’un pare-buée est en fait de diminuer l’angle solide sous lequel est vu le ciel qui est toujours plus froid d’une vingtaine de degrés que l’air ambiant [R7], sachant que le pare-buée se stabilise naturellement à une température moyenne estimée inférieure de cinq degrés environ à la température ambiante, soit à une température bien supérieure à celle du ciel. L’idéal serait de chauffer légèrement le pare-buée mais dans ce cas il doit nécessairement être bon conducteur de la chaleur. D’une manière générale il est toujours favorable pour l’équilibre thermique de recourir à des matériaux bons conducteurs de la chaleur car l’utilisation de matériaux isolants est susceptible de créer des courants thermiques. Le deuxième moyen dont nous disposons pour lutter contre les dépôts d’humidité est la résistance chauffante dont la fonction ne doit pas être le chauffage de la lame de fermeture car le verre est un mauvais conducteur thermique. Injecter 10 ou 20 W dans une lame de fermeture engendre un gradient de température dont les effets ne sont certainement pas sans conséquences : le relevé de la température à la surface d’un disque de verre de 250 mm de diamètre et 20 mm d’épaisseur dans lequel 10 W (aux pertes de couplage près) sont injectés par la circonférence est présenté ci-dessous. Les résultats de cette expérience réalisée avec les moyens du bord sont essentiellement significatifs par l’ordre de grandeur du gradient de température qu’ils mettent en évidence : un écart de 8°C environ a été relevé entre le centre et le bord du disque. L’intérêt d’une résistance chauffante est donc de permettre d’améliorer le bilan des échanges radiatifs entre la lame de fermeture et la structure de l’instrument ce qui suppose que le tube comme le pare-buée sont construits dans un matériau dont la conductivité thermique est élevée : inutile donc de s’évertuer à chauffer un pare-buée en plastique ou un tube en fibre de verre (pour la fibre de carbone il me semble que cela dépend de la composition). Cela laisse penser aussi qu’une résistance chauffante n’a certainement réellement d’intérêt qu’associée à un pare-buée.
Gradient de température dans un disque de verre de 250 mm de diamètre soumis à un chauffage périphérique de 10 W à une température ambiante de 23°C

Comment éviter la formation de buée : approche quantitative

Tout ce qui a été dit précédemment reste assez vague puisque nous n’y avons associé aucun ordre de grandeur. Pour donner des ordres de grandeur, longueur du pare-buée et puissance de chauffage nécessaires à la prévention de la buée en fonction de la température ambiante et de l’humidité relative, il est nécessaire d’établir un modèle.

La construction du modèle repose sur un certain nombre d’hypothèses simplificatrices en partie issues de l’approche qualitative :

  • l’instrument est à l’équilibre thermique, les températures sont stationnaires. Dans ce cas les flux convectifs internes sont faibles mais pas nuls puisque toutes les pièces du télescope ne sont pas stabilisées à la même température. Négliger ces flux convectifs internes définit un pire cas.

  • l’intérieur et l’extérieur du tube comme du pare-buée sont peints avec une peinture mate d’émissivité 0,9 (émissivité standard d’une peinture mate noire ou blanche)

  • la présence du miroir primaire n’est pas prise en compte (température identique aux autres éléments à l’équilibre thermique, réflectivité thermique proche de 1 à comparer à l’émissivité de 0,9 d’une peinture noire mate)

  • l’instrument est supposé pointer vers le zénith faisant apparaître une symétrie de révolution salvatrice (hypothèse réaliste et de plus pessimiste)

  • l’émissivité de la lame de fermeture est égale à 0,9 (verre standard)

  • la longueur du pare-buée est égale à deux fois et demi le rayon du tube, sauf indication contraire

  • le tube et le pare-buée sont thermiquement totalement couplés et construits tous les deux dans un matériau parfaitement conducteur de la chaleur

  • le couplage de la résistance chauffante avec la structure est supposé parfait

Les deux derniers points ne sont pas réalistes mais permettent de supposer que la température du tube et du pare-buée est uniforme et donnent la valeur maximale de l’humidité relative que l’on peut combattre avec un pare-buée et une résistance chauffante, en maintenant la totalité de la structure à la température ambiante. Ceci pourrait être approché avec une structure chauffante (résistance intégrée au tube et au pare-buée) et thermiquement conductrice permettant un chauffage uniforme, qu’aucun constructeur ne propose bien évidemment. C’est aussi la configuration qui donne la puissance de chauffage maximale applicable tout en maintenant toute partie de la structure à une température inférieure ou égale à la température ambiante.

L’analyse sans résistance ni pare-buée nous donne la valeur de l’humidité relative à partir de laquelle il convient de prendre des mesures.

Configurations de base

L’étude des 4 configurations de base ainsi définies a été conduite pour des tubes Schmidt-Cassegrain de 8, 10, 12 et 14 pouces à la fois sans et avec inversion de température, à considérer respectivement en début et en fin de nuit, en supposant que le sol est à la température ambiante :

Dans tous les cas l’épaisseur de la lame de Schmidt est de 5 mm (ce paramètre n’a que peu d’influence). La géométrie des tubes (hors pare-buée) est la suivante :

  • Schmidt-Cassegrain 8 pouces : diamètre 25 cm et longueur 43 cm

  • Schmidt-Cassegrain 10 pouces : diamètre 30 cm et longueur 54 cm

  • Schmidt-Cassegrain 12 pouces : diamètre 35 cm et longueur 65 cm

  • Schmidt-Cassegrain 14 pouces : diamètre 40 cm et longueur 76 cm

Le tableau suivant résume les ordres de grandeur déterminés pour un Schmidt-Cassegrain de 8 pouces. Les instruments sont plus sensibles à la buée lorsque la température ambiante est proche de 0°C ce qui n’est pas étonnant puisque c’est vers 0°C que l’écart entre la température effective du ciel et la température ambiante est le plus important. Le bilan thermique étant essentiellement lié au facteur de forme de la structure, les humidités relatives maximales supportables selon que le tube est chauffant ou non-chauffant muni ou non d’un pare-buée ne dépendent presque pas du diamètre du tube considéré. La puissance de chauffage nécessaire pour maintenir la structure à la température ambiante dépend bien évidemment de sa surface et est maximale aux environs de 10°C puisque c’est à cette température que le bilan de flux radiatif avec le ciel est le plus défavorable. A noter que dans tous les cas, la lame de fermeture est bien évidemment la pièce la plus froide du télescope, ce qui maintient une inversion de température dans le pare-buée.

configuration de la structure

sans inversion de température

avec inversion de température

tube non-chauffant
sans pare-buée

# 54% @ 0°C

# 60% @ 0°C

tube non-chauffant
avec pare-buée

# 61% @ 0°C

# 67% @ 0°C

tube chauffant
sans pare-buée

# 71% @ 0°C / 15 W @ 10°C

# 75% @ 0°C / 13 W @ 10°C

tube chauffant
avec pare-buée

# 95% @ 0°C / 28 W @ 10°C

# 96% @ 0°C / 24 W @ 10°C

Ordre de grandeur de l’humidité relative supportable et puissance de chauffage pour maintenir la structure à la température atmosphérique dans les 4 configurations de base pour un SC 8 pouces

Aucun instrument du commerce ne présente malheureusement de tube et de pare-buée avec un chauffage intégré. Il faut toujours ajouter un élément chauffant externe sous forme d’un ruban chauffant à installer sur la circonférence du tube, ce qui en général est fait au niveau de la lame de fermeture. Le tube n’étant pas thermiquement parfaitement conducteur, ce chauffage local provoque un gradient de température décroissant à partir de la résistance.

Les 4 configurations de chauffage localisé étudiées sont pour un tube et un pare-buée en aluminium de 3 mm d’épaisseur :

  • résistance chauffante placée en haut du pare-buée, avec couplage thermique parfait entre le pare-buée et le tube supposés donc constituer une pièce unique

  • résistance chauffante placée en haut du tube juste sous la lame de fermeture sans pare-buée

  • résistance chauffante placée en haut du tube juste sous la lame de fermeture plus pare-buée, avec isolation thermique parfaite entre le pare-buée et le tube

  • résistance chauffante placée en haut du tube juste sous la lame de fermeture ainsi qu’en haut du pare-buée, avec isolation thermique parfaite entre le pare-buée et le tube

Configurations pratiques de chauffage

Si ces 4 configurations préservent la stabilité des couches d’air à l’intérieur du tube optique, seules les 2 premières la conservent naturellement à l’extérieur du tube sur le trajet optique, à condition d’adapter la puissance de chauffage afin de maintenir la température du tube et du pare-buée inférieure à la température ambiante, la partie du tube ou du pare-buée sous la résistance étant naturellement le point le plus chaud. La troisième configuration ne conserve pas la stabilité des couches d’air à l’intérieur du pare-buée car celui-ci est à une température inférieure de quelques degrés à la lame de fermeture : l’inversion de température n’est donc plus maintenue à l’intérieur du pare-buée. La dernière configuration ne conserve la stabilité des couches d’air à l’intérieur du pare-buée que si la résistance thermique de ce dernier est suffisamment faible pour que sa partie basse reste à une température supérieure à celle de la lame, et notamment que s’il présente une épaisseur supérieure ou égale à 3 mm lorsqu’il est construit en aluminium.

Le modèle étant dans ces 4 cas bien plus fastidieux à établir que précédemment, les travaux n’ont été conduits que pour un tube Schmidt-Cassegrain 8 pouces sans inversion et avec inversion de la température atmosphérique dans le cas d’un ruban chauffant de 2 centimètres de large. Le modèle intègre deux hypothèses supplémentaires destinées à simplifier son écriture :

  • le couplage de la résistance chauffante avec la structure est supposé parfait ce qui implique de l’appliquer sur le tube avec une pression assez forte, au moyen d’un ruban élastique par exemple, et d’isoler sa face extérieure, idéalement à l’aide d’une feuille de polystyrène expansé.

  • un pare-buée en aluminium donc relativement bon conducteur de la chaleur, permet dans le cas du chauffage du tube avec un pare-buée thermiquement découplé, de supposer la température du pare-buée homogène. Si le pare-buée était en plastique ou dans tout autre matériau isolant, cette hypothèse devrait être reconsidérée et définirait une configuration moins favorable.

configuration de chauffage
localisé

humidité relative supportable sans inversion de température

humidité relative supportable avec inversion de température

au niveau du pare-buée

# 74%

# 78%

au niveau de la lame
sans pare-buée

# 69%

# 73%

au niveau de la lame
avec pare-buée

# 80%

# 83%

au niveau de la lame
et du pare-buée

# 87%

# 89%

Humidité relative pour un SC 8 pouces dans une configuration de chauffage localisé
gardant la structure sous la température atmosphérique à une température ambiante de 0°C

configuration de chauffage
localisé

puissance de chauffage sans inversion de température

puissance de chauffage avec inversion de température

au niveau du pare-buée

# 13 W

# 11 W

au niveau de la lame
sans pare-buée

# 9,5 W

# 8 W

au niveau de la lame
avec pare-buée

# 9 W

# 7,5 W

au niveau de la lame
et du pare-buée

# 20 W

# 17 W

Puissance de chauffage pour un SC 8 pouces dans une configuration de chauffage localisé
gardant la structure sous la température atmosphérique à une température ambiante de 10°C

Bien évidemment dans le cas d’un chauffage localisé, l’humidité relative supportable est inférieure à ce que l’on peut espérer de mieux avec un chauffage uniforme. Toutefois, en plus du fait que c’est la seule accessible à l’amateur, cette configuration est intéressante si l’on tient compte de son rendement énergétique :

  • un chauffage localisé du pare-buée donne les mêmes résultats qu’un chauffage uniforme du tube sans pare-buée pour une puissance consommée inférieure de 15%

  • un chauffage localisé du tube avec un pare-buée non chauffé donne des résultats certes inférieurs à un chauffage uniforme du tube et du pare-buée, mais pour une puissance consommée 3 fois plus faible, et des résultats bien meilleurs qu’un chauffage uniforme du tube sans pare-buée pour une puissance consommée inférieure de 40%. A noter que c’est le seul cas où le pare-buée se retrouve à une température inférieure à la lame et qu’il convient donc de placer sur sa face intérieure une feuille de papier buvard afin d’éviter des coulures sur la lame de fermeture et de poursuivre tranquillement les observations qui sinon resteraient possibles.

  • un chauffage localisé du tube et du pare-buée donne des résultats presque aussi bons qu’un chauffage uniforme du tube et du pare-buée pour une puissance consommée inférieure de 30%.

Si l’on veut avec un chauffage localisé combattre des taux d’humidité plus élevés, il faut chauffer localement le tube ou le pare-buée à une température supérieure à la température ambiante et donc renoncer dans tous les cas à maintenir la stabilité de l’air sur le chemin optique. Ce calcul a été réalisé à 0°C, en l’absence d’inversion de température atmosphérique, pour les 3 premières configurations de chauffage localisé décrites précédemment toujours dans le cas d’un Schmidt-Cassegrain de 8 pouces. Quelques Watts supplémentaires suffisent pour augmenter l’humidité relative supportable de façon significative au prix d’une augmentation de quelques degrés de la température du tube ou du pare-buée.

puissance de chauffage

humidité relative supportable sans inversion de température

écart max de température du pare-buée avec l’ambiante

14 W

# 76%

0,7°C

16 W

# 78%

1,9°C

18 W

# 81%

3,1°C

Chauffage du pare-buée au-dessus de la température atmosphérique
pour un SC 8 pouces à une température ambiante de 0°C

puissance de chauffage

humidité relative supportable sans inversion de température

écart max de température du tube avec l’ambiante

10 W

# 71%

0,25°C

12 W

# 75%

1,5°C

14 W

# 80%

2,8°C

Chauffage du tube sans pare-buée au-dessus de la température atmosphérique
pour un SC 8 pouces à une température ambiante de 0°C

puissance de chauffage

humidité relative supportable sans inversion de température

écart max de température du tube avec l’ambiante

10 W

# 84%

0,5°C

12 W

# 89%

1,8°C

14 W

# 95%

3,1°C

Chauffage du tube avec pare-buée au-dessus de la température atmosphérique
pour un SC 8 pouces à une température ambiante de 0°C

Je n’ai pas de certitudes concernant les conséquences significatives ou non de cette élévation de température du tube ou du pare-buée sur la qualité des images. Tout ce que je peux dire c’est que :

  • la présence d’un observateur autour du tube est une source thermique qui dépasse largement les quelques Watts supplémentaires en question, sauf qu’un observateur ne se tient jamais sous l’ouverture d’un télescope

  • dans une certaine mesure, le pare-buée va faire écran vis à vis des courants convectifs extérieurs

  • la hausse de température de la lame va augmenter les mouvements convectifs internes au pare-buée dont la température reste quasiment inchangée lorsqu’il n’est pas lui-même chauffé, l’écart de température entre la lame et le pare-buée étant à l’origine déjà supérieur à 3 degrés

  • le fond d’un tube non chauffé est naturellement plus élevé de quelques dixièmes de degré que sa partie supérieure sans pour autant générer de mouvements convectifs significatifs

  • sur un instrument fermé comme mon Maksutov, les effets des mouvements convectifs internes sont encore perceptibles à un niveau important bien après le début de la mise en température. L’amplitude de la langue thermique visible sur la tâche de diffraction en plage intra ou extra focale ne décroît qu’à la fin du processus quand l’équilibrage est quasiment réalisé et la décroissance des effets optiques n’est donc manifestement pas linéaire.

En conséquence de quoi je préconiserais une certaine prudence en limitant la puissance de chauffage de façon à ce que la structure ne dépasse jamais la température ambiante, vu que le gain ne devient réellement intéressant que pour une augmentation de température de 2 ou 3 degrés.

Pour finir, un dimensionnement rapide des pare-buée conduit aux résultats suivants :

  • selon les configurations, le gain sur l’humidité relative est de un ou deux points lorsque la longueur du pare-buée passe de deux fois à deux fois et demie le rayon du tube ; il est de seulement un ou deux points supplémentaires lorsque que cette longueur passe de deux fois et demie à quatre fois le rayon du tube

  • un bon compromis entre efficacité du bafflage radiatif et masse du pare-buée donne une longueur de pare-buée égale à deux fois et demie le rayon du tube conduisant déjà à un pare-buée en aluminium de 3 mm d’une masse de 2 kg pour un tube de 8 pouces

  • l’utilisation d’un matériau isolant (plastique ou mousse) pour le pare-buée n’est pas avantageuse du point de vue de l’humidité relative puisque l’utilisation d’une matière isolante, outre le fait qu’elle interdit l’emploi d’une résistance chauffante, accroît le déséquilibre de température après stabilisation entre l’extérieur (plus chaud) et l’intérieur (plus froid) du pare-buée. Lors de la phase transitoire les choses sont différentes, la température de surface d’un pare-buée isolant va décroître d’abord plus rapidement que son équivalent conducteur, la tendance s’inversant dans un deuxième temps en faveur du pare-buée isolant comme le montre la figure suivante.

Comparaison des températures de surface en régime transitoire entre un pare-buée isolant et un pare-buée conducteur

Les conclusions auxquelles cette étude a conduit sont pour résumer :

  • la meilleure configuration (hors chauffage uniforme et traitement basse émissivité) pour lutter contre la buée tout en minimisant la création de mouvements convectifs est un pare-buée et un tube conducteurs, réciproquement isolés et munis chacun d’une résistance chauffante.

  • la puissance de chauffage effective cumulée pour un tube de 8 pouces est de 20 W et permet les observations jusqu’à des taux d’humidité relative de 90% environ. L’extérieur des résistances doit être isolé par une feuille de polystyrène expansé d’au moins 3 mm d’épaisseur et l’ensemble doit être plaqué fermement afin de maintenir leur température de surface sous la température ambiante et d’obtenir un rendement correct, estimé dans ce cas supérieur à 90% et conduisant à une puissance électrique nécessaire de 22 W.

  • l’utilisation d’un matériau comme la fibre de verre est à proscrire.

  • l’aluminium est parmi les métaux le candidat offrant le meilleur compromis entre densité et conductivité thermique mais conduit à une masse élevée (respectivement 2 kg et 3 kg pour le pare-buée et le tube d’un instrument de 8 pouces avec les hypothèses du modèle).

  • l’utilisation du carbone semble la solution la mieux adaptée et conduirait à des tubes et des pare-buée beaucoup plus légers grâce à une conductivité thermique double de celle de l’aluminium et une densité de 30% inférieure, soit 700 g et 1 kg respectivement pour le pare-buée et le tube.

  • aucun instrument amateur du commerce n’est vraisemblablement conçu spécifiquement pour la prévention des dépôts de buée, un axe supplémentaire d’optimisation est le dépôt d’une couche basse émissivité sur la face extérieure de la lame.

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