Djanet 2007

Article de Serge

L’aventure libyenne de 2005 nous a donné le goût de l’aventure, des grands espaces et de la vie si particulière que l’on mène dans le désert.

Nous avons décidé de revenir dans le Sahara. Le choix s’est porté sur Djanet, dans le sud Algérien, à proximité des frontières avec la Libye et le Niger. Cette destination offre pour un prix raisonnable la possibilité de charmants bivouacs dans des zones inhabitées de toute beauté, avec l’assistance nécessaire pour transporter et utiliser nos télescopes. Durant une semaine en janvier 2007, nous allons faire une agréable randonnée en autonomie totale, à la limite du monde du sable avec l’erg Admer et celui des roches.

Après avoir survolé les tassilis, sorte de vaste dédale de menhirs, de guignolots, d’aiguilles de pierres, puis de la petite ville de Djanet, l’avion se pose 30 km plus loin sur la piste d’un aéroport minimaliste.

C’est là que nous rencontrons notre guide Ali, homme d’un calme naturel Olympien. Tout de suite, un rythme posé, une ambiance tranquille s’installe pour la durée du séjour. Aucun stress, aucun problème, la sérénité la plus totale s’impose ici de façon évidente. Nous sommes en terre touareg, avec son mode de vie, ses traditions et sa langue si particulière, si agréable à entendre le soir, allongé sur les nattes autour du feu où chantonne la théière.

Nous rejoignons dans les sables Mohamed, notre vénérable cuisinier et Hamed, jeune et joyeux chauffeur d’un vieux Toyota 4×4. Ce véhicule transportera à lui seul nos bagages, les télescopes, mais aussi l’intendance avec les sacs de nourriture et les 500 litres d’eau nécessaires à ce périple, la batterie de cuisine, et encore les réserves de gasoil en bidons bien rangés sur la galerie, le couchage sous forme d’une douzaines de matelas en mousse formant à eux seul un volume certain, le matériel du bivouac avec ses sacs à couvertures et quelques tentes. Enfin, l’indispensable natte coupe-vent traditionnelle en feuille de palme et lanières de cuir, la longue table basse et les tapis sur lesquels nous prendrons nos repas. Dès l’arrivée sur site, Hamed est chargé du feu et du thé à la menthe. Il y a là tout un rite, tout un symbolisme qui doit toucher au sacré. En fin de séjour, Ali nous fait la surprise de retrouver Mohamed, notre intrépide chauffeur de l’aventure libyenne. Grand moment de joie et d’émotions réciproque.
Toutes les nuits, nous la chance de faire des observations dans d’excellentes conditions. Seule une soirée sera écourtée par la venue de nuages. Qu’il est agréable de préparer son programme nocturne durant la sieste digestive, d’installer et régler paisiblement le matériel en fin d’après midi, et, après le dîner, se diriger tranquillement vers les instruments pour une nuit magique. Qu’il est bon d’observer les pieds dans le sable, avec une météo des plus clémentes, sans humidité ni vents et des températures nocturnes très acceptables. Et par dessus tout, quel bonheur de disposer d’un ciel sublimissime, où les objets se montrent sous un aspect des plus spectaculaires.
Les visions du ciel profond sont quasi photographiques. Les galaxies tournoient et spiralent comme des folles, avec force de nodosités, de grumeaux, d’irrégularités, de zones d’absorption. Elles sont généreuses, larges et étendues. Des extensions lointaines sont repérables sans trop d’effort. Nous nous régalons à les visiter, notamment dans cette zone remarquable où elles fourmillent, la Vierge, le Lion, la Chevelure et la grande Ourse. Mais aussi dans les zones plus australes avec des constellations qui nous sont méconnues.

Le T400 , parfaitement collimaté, nous a offert un rare spectacle de ces mondes lointains. Pelle-mêle, je me souviendrais de la chaîne Makarian, avec des surfaces diffuses particulièrement étendues, faisant re-découvrir cette zone sous un aspect totalement nouveau. Mais aussi, l’amas Comas et ses innombrables flocons cotonneux. Ou encre, l’incroyable M 63, énorme objet rarement bien vu en France car le plus Austral du catalogue Messier. Quelques dessins rapides – partage du télescope oblige – tentent d’immortaliser les superbes visions de quelques grandes classiques avec M 101, spirale magnifique vue de face aux nombreux bras riches en nodosités, M51 où je note une échancrure sombre dans le petit compagnon, lui-même séparé du bras principal par un chenal et l’extension du grand bras qui part à l’opposé, et surtout, une esquisse extrêmement rapide de M82 avec son cœur incroyablement tourmenté. Je n’ai eu le temps que de noter les contours des diverses zones sans mentionner les notions de luminosité. Dommage.

Plus banal mais tellement bon, combien d’heures sommes-nous restés derrière l’oculaire à contempler la grande nébuleuse d’Orion et à traquer avec succès la Tête de Cheval.

Enfin, l’observation détaillée des nébuleuses planétaires est toujours un régal. Bien souvent, il faut grossir au maximum des possibilités offertes par l’instrument et le ciel. C’est à 500x que nous voyons un Clown lumineux, parfaitement résolu. Sa forme caractéristique triangulaire est évidente, mais la dissymétrie en écusson est plus délicate à percevoir. Au centre, son nez témoigne du vestige de l’étoile défunte. La bouche et les yeux sont le fait d’un anneau irrégulier plus sombre mais peu tranché. Le large halo est plus diaphane et présente quelques nuances lumineuses.

La dernière nuit, je rendrais l’âme d’avoir trop user et abuser du couscous chameau et de la redoutable taguela de Mohamed, offrant au sable d’interminables flots liquides là où une certaine consistance eut été préférable. Mais quand même, durant mes innombrables sorties nocturnes, je jouirai du spectacle merveilleux de la voûte céleste tropicale, tournant lentement au gré des heures écoulées. Se vider face à une croix du Sud fièrement plantée sur un horizon dunaire ferait bien passer nos petits tracas pour des instants de pur bonheur.

Article de Frédéric : Retour au paradis

Mince, me voilà dans l’avion qui nous achemine jusqu’au cœur du Sahara…

Cela ne faisait que quelques mois que nous avions quitté l’Afrique. Déjà, nous y retournions. Pourtant, j’avais eu le sentiment que le temps s’était mis à s’étirer à l’infini depuis notre excursion Libyenne. Je ne peux savoir pour vous, peut-être un peu pour tous ceux qui étaient de la seconde expédition, mais en ce qui me concerne, il est certain que le désert m’a manqué ! Ce Grand Creux de Rien où l’on voit Tout… ou presque, (l’Univers, bien sûr) redevenait palpable l’instant que met une poignée de sable à couler entre les doigts.

L’immersion a été totale, immédiate. L’avion posé, les formalités presque expédiées, nous voici à déambuler dans Djanet après y avoir rapidement déjeuné. En compagnie d’Ali, un Touareg au regard espiègle qui nous guidera durant toute notre aventure, nous nous hissons à bord de nos 4×4 et partons vers la houle des sables.

Tout d’abord, nous glissons sur un ruban d’asphalte en guise de mer d’huile, puis nous bifurquons au bout d’une dizaine de kilomètres pour flotter sur un océan de dunes. Des creux de 6, 7 mètres, moussaillon! Tenez-vous aux mats, aux cordages, ça va tanguer! Nos frêles esquifs essayent tant bien que mal de fendre ces flots aux teintes beiges et crémeuses. Nous voguons aux creux de rouleaux, de paquets de mer desséchés et brûlants qui à défaut de nous mouiller, nous font crisser des dents. C’est, en fait, une tempête figée. Mais pour garder le cap, nos capitaines Touareg doivent faire face à tous les écueils. Une avarie, hop, on colmate la voie d’air en collant une rustine sur la coque en caoutchouc et toutes chèches au vent, nous hissons les amarres. Combien de Nœuds marins ferons-nous dans ce désert ? En attendant d’y répondre, nos amis Touaregs font le point de tête: ont-ils un sextant sous le crâne? Nous sommes arrivés sur le lieu de notre premier bivouac, nous jetons l’ancre…

 

En ce dimanche soir, la Lune s’apprête à se coucher. Nos yeux se mettent à briller. Est-ce parce que l’obscurité commence à dilater nos pupilles ou bien s’agit-il de l’excitation, du bonheur engendré par l’idée de vivre une nuit digne de ce nom? Car l’on sait que les nuits Saharienne sont très bonnes voir parfaites. Le matériel déployé, les miroirs collimatés, nous savourons le thé à la menthe avant d’aller greffer notre oeil derrière les oculaires. Quels moments intenses !

Aller, par quoi commence-t-on ? Nous n’avons que l’embarras du choix.

 

Tout d’abord, direction la belle Andromède. Elle songe déjà à rejoindre les bras de Morphée, nous devons alors nous hâter de lui porter notre l’intérêt avant qu’elle ne délaissent notre soirée. Plus vaste et plus lumineuse que jamais, elle nous dévoile ses bandes d’absorption avec fort contraste et netteté. Ses deux galaxies satellites, semblables à deux petites gouttes de lait, flottent autour de l’immense univers-île. Jamais M110 n’était apparue si distinctement. M comme Magique.

Immanquablement, nous ne pouvions passer à coté du Triangle et de sa galaxie. Comme d’autres, à l’approche du Triangle des Bermudes, nous nous sommes perdus au milieu des deux bras spiraux et de la région géante de formation d’étoiles qui borde l’un d’eux. NGC 604, petit point rosâtre de quelques 1500 années lumières de diamètre est en quelques sorte l’image de la Nébuleuse d’Orion vu à plus de 3 millions d’années lumières. Ceci dit, vous n’aurez aucun mal à deviner l’objet qui suivi après M33. Nous autres, qui avons pu bénéficier de nouveau d’un tel spectacle, nous ne pouvons prétendre être blasé mais je ne sais quoi dire de plus par rapport au voyage passé sinon que j’en reste bouche bée.

 

 

Petits regrets de cette première nuit, la Pièce d’Argent et NGC 300 n’ont pas été observés. La jeune Lune commençait déjà à disparaître bien tardivement et l’horizon Ouest était masqué par le relief. Hélas! Le reste du séjour ne permit pas de compenser ces oublis.

Mais nous aurions, fort heureusement, nombre d’autres rencontres célestes pour en revenir réjouit!

Notre étoile nous oblige à ouvrir l’œil de bon matin. Mais ses rayons forts généreux nous ragaillardissent. Un copieux petit déjeuner avec des tartines de pain grillé au feu de bois fini de nous réveiller. Bientôt Ali notre guide prend son bâton de pèlerin et donne le moment du départ vers la longue traversée du désert. L’air est frais, le pas léger et la gourde à ras bord, nous partons enjoués. Le ciel est on ne peut plus dégagé, le Soleil déjà bien haut. Si vous vous laissez distraire, vous vous retrouvé rapidement distancé par vos camarades. Dans ce paysage de rêves, il me faut vous avouer que l’on a facilement la main lourde sur le déclencheur de l’appareil photo. On abuse de l’emploi du zoom, on peaufine le cadrage, telle vue nous inspire ici un aspect abstrait du site. Là, la sublime lumière attire irrémédiablement notre regard. Pour résumer, on est vite envoûté et les copains sont déjà loin. Alors on se presse, on accélère le rythme des pas. On ressort néanmoins l’appareil photo pour un je ne sais quoi. Inexorablement, avec la soif, la gourde se vide. Et le zoom n’est bientôt plus que le seul moyen de nous raccrocher aux autres. (les jumelles étant proscrites en Algérie) Quelques petits points au milieu du viseur suffisent à nous rassurer que le groupe ne s’est pas évaporer! Alors, dans la tête surgit le leitmotiv « attendez-moi, attendez-moi!» Et dans les pieds se met en branle la locomotive… Ouf, ils se sont arrêtés! Je parviens à les rattraper. Ils sont accroupis à fouiller le sol, de temps à autres un bras indique un emplacement particulier, le groupe s’y attroupe. Ils sont au cœur d’un musée à ciel ouvert: des dizaines et des dizaines de poteries brisées jonchent la dune, des pointes de flèches, des silex taillés et autres objets préhistoriques sont là, abandonnés pour une raison que l’on ignore.

Les sables se faisant plus rares, plusieurs heures nous seront néanmoins nécessaires pour rejoindre les Tassilis. Succèdent alors aux grains le gravier, le caillou et les petites pierres jusqu’aux monolithes géants. En assistant sous nos pas, à l’écoulement érosif, nous avons remontés le fleuve du temps. Et malgré être resté protégé de l’astre ardent sous nos indispensables chèches, s’enfoncer à l’intérieur de l’ombre d’un de ces gigantesques rochers, c’est s’abreuver à une source d’eau fraîche. La faim aidant, nous découvrons en chemin, dans le lointain, deux succulents cannelés. Désormais, nous ne pensons plus qu’à manger. Chacun savoure ce moment à l’avance…

Bientôt attablé, le repas de la mi-journée est vécu comme une bénédiction. La gigantesque salade de légumes se déverse telle une cataracte à l’intérieur de nos œsophages pour venir abreuver nos estomacs asséchés. Un simple Gouda de Hollande suivi de succulentes oranges finissent de contenter nos appétits. Nous achevons de festoyer avec un thé à la menthe à l’image du digestif. Tout le monde est alors heureux. Surtout que la sieste succède au casse-croûte, la vie du désert s’en trouve bien exquise! Les après-midi commencent donc par ces instants de béatitude. On en profite par la suite pour explorer, en plein jour mais à l’ombre, notre cosmos de la soirée sur les atlas et les cartes expatriés.

Après avoir quelque peu « ronflotés », nous entreprenons une petite randonnée qui va nous mener jusqu’au devant d’une peinture rupestre. Au milieu des plateaux gréseux coulent des rivières de sable. De temps en temps émerge de ce flot un acacia solitaire . Bravant le Soleil, ce végétal presque étranger à ce lieu constitue alors un bon point de repère dans ce labyrinthe de pierres. On rencontre également l’armoise, jolie plante très parfumée. Ali nous fait frotter alors une petite tige dans nos mains et nous humons cette senteur si plaisante. Dans les régions tempérées, on cultive ses cousines comme l’absinthe, l’estragon ou le génépi. Puis, Ali nous conduit au pied d’une falaise. Un éboulis de pierres forme une sorte d’escalier aux marches imposantes et grossières. A mi-hauteur de la paroi, un chemin à flan de montagne nous mène à une petite cavité naturelle. Nous y découvrons les vestiges très bien conservés d’une oeuvre pariétale. Il s’agit de représentations de scènes de chasses, un peu à l’image des dessins rencontrés dans nos cavernes en Dordogne. Quelques alvéoles abandonnées par les guêpes sont fixées à ce qui fait office de plafond. Depuis cette hauteur, les créateurs de ces oeuvres disposaient d’un endroit stratégique pour guetter le gibier et observer l’ennemi: l’étroite vallée, visible sur plusieurs kilomètres, passe immanquablement au bas de leur repaire.

De retour au campement, notre cuisinier Mohammed et son aide Arhmed ont dressé la table. Au cours du séjour, les repas vont s’avérer de plus en plus consistants.

L’entrée est généralement une soupe de légumes accompagnés de petits morceaux de viande. Au terme d’une première assiette les petits chouias débutent, tous le monde en redemande !

Vient le tour du plat de résistance. Et cela devient une autre affaire, les estomacs étant déjà bien remplis. Le plat est habituellement composé de semoule (plutôt bourratif, surtout mélangé avec la soupe) et de viande. Bref, il s’agit d’un couscous. Au cours de la semaine nous découvrirons aussi une viande tendre, proche du boeuf au goût, à l’aspect et qui n’est autre que la viande d’un animal endémique du désert: le chameau. En libye, à seulement quatre-vingt kilomètres de là, le grand marché de Ghat alimente toute la région en chameau.

 

Viendra aussi le tour de la fameuse taguela, un pain de semoule cuit dans le sable et typique de la cuisine Touareg. Mohammed rompt en petits morceaux cet aliment et l’incorpore au couscous. Cela donne du craquant, un goût agréable mais surtout du consistant au repas. Parce qu’avec Mohammed, si la qualité est au rendez-vous, c’est la quantité surtout. Il a des gamelles dignes d’un régiment. Et malgré une certaine qualité de préparation, finir son assiette tient de l’exploit. A peine l’effort vient-il d’être achevé que l’on vous interpelle: « encore un petit chouia? » Par politesse on tend son auge, précisant bien sur de n’y déposer qu’une petite louchée. Rien à faire, c’est une montagne de semoule qui s’élève devant nos yeux. Une montagne bien trop grosse pour notre ventre déjà submergé, remblayé. Les nombreux coups de fourchette à venir sont guidés vers notre bouche par un bras nonchalant. Chacun de nous regardent les convives avec l’espoir que parmi eux une âme charitable dévorera d’un trait les restes avant que, la torture, le supplice du gavage ne passe de nouveau par son assiette. Diantre, avec Mohammed, hors de question de mourir de faim dans le désert! Astronomes que nous sommes, nous serons d’avis, j’en suis certain, qu’il faille lui décrocher trois étoiles pour sa débrouillardise à cuisiner, à assurer un tel service malgré ses soixante-treize ans au pied des dunes !

 

 

Là-bas, le crépuscule s’entame sur des paysages fantastiques. Ils sont embrasés par les derniers rougeoiements du Soleil couchant. Les roches sont telles des braises ardentes qui à feu doux refroidissent, s’assombrissent. Puis, un invisible géant vient remuer à l’aide de son tisonnier les cendres encore chaudes du jour. Une à une, d’innombrables étincelles s’élèvent alors vers le ciel pour l’illuminer. Sans que l’on s’en aperçoive, car l’on s’extasie devant tant de si naturelles lumières, ce géant s’en retourne aussitôt au hasard se réfugier dans l’un de ses immenses blocs de pierre encore en ignition. Il s’y couche jusqu’au petit matin où lorsque le Soleil viendra de nouveau le réchauffer s’en ira peut-être sous une forme ou sous une autre tel le vent, un nuage ou par le cri d’un rapace. Il n’est pas là pour nuire, il aurait tant de fois pu réduire l’un de nous en charpie par l’éboulement d’un rocher. Il doit sûrement nous surveiller lorsqu’il choisit de rester immobile dans le roc. Il reste la mémoire des Ajjers avec ses innombrables tatouages réalisés par nos lointains prédécesseurs. Lorsque des vandales osent dégrader ces peintures, ces testaments des hommes passés, alors ils font saigner la montagne, pleurer le désert. Oui, du haut de ses tassilis, des centaines de siècles nous contemplent de manière bienveillante. Peut-être dîtes vous que je divague mais je veux bien vous montrer, pour vous en convaincre, les nombreux regards et visages qui sont enfouis dans la pierre. Regardez attentivement les photographies de notre aventure, vous verrez alors tant d’esprits et de fantômes se révéler.

Voilà la fin du voyage. Le retour à la réalité est proche. J’eu du mal à m’endormir au début de cette dernière nuit. Il fallait, à cette date, attendre le couché de Lune pour observer. Quelques heures de sommeil bien agitées, en somme. La lumière sélène tout d’abord gênait l’assoupissement à la belle étoile. Quelle lueur pour un premier quartier! On se serait cru en pleine ville! Je me recouvre les yeux de mon chèche. Ensuite, un petit vent frais bien vigoureux se met à souffler sur le campement. Je pense que cela avait pour conséquence de donner la sensation de cuire à l’étouffée dans le sac de couchage. Je retire le sursac, je me recouche: trop chaud! Je me lève pour m’alléger de nouveau, rien n’y fait. Je termine en slip mais je suis toujours en nage. Le marchand de sable finit par passer…

« Ah! Ouais! », tut, « Ah! Ouais! », tut,…

Sursaut, panique, où se trouve le téléphone ? Ce dernier fait office de réveil avec la voie d’Isabelle pour me sortir de la torpeur. Mince, la Lune est toujours là, basse sur l’horizon, mais bien présente pour encore une bonne ½ heure.

Plutôt que de me recoucher et risquer ainsi d’oublier de me réveiller pour jouir de cette dernière nuit, je choisi alors de photographier et de m’imprégner de l’atmosphère étrange que délivre notre satellite. Presque au raz de l’horizon, la lumière formait des ombres longues bientôt infinies. La clarté est si étonnante que je n’ose pas imaginer l’aspect donné par une pleine Lune.

 

Et enfin, ce fut le noir qui se fit complet. Malgré le vent, nous avons pu ainsi voguer vers des contrées toujours plus exotiques. Une superbe spirale barrée accompagne le Centaure, nous la rejoignons par l’esprit et il s’en fut presque de voir tournoyer cette M83.

Un oeil noir brillait aussi dans le ciel au travers de la chevelure de Bérénice. Accompagnant deux gros calibres du Club, ma petite lunette de 80mm pu dévoiler tout son potentiel. En Bretagne, sous l’un des meilleurs ciel de France métropolitaine, cet instrument délivre, ma foi, une image relativement fine et contrastée de l’amas du Canard Sauvage, par exemple. Sous les basses latitudes et les 1000 mètres d’altitude du lieu de notre séjour Algérien, l’image de l’appareil en question subie une monté en qualité et en netteté extraordinaire.

 

Lors de la première rencontre astronomique de l’Ile de France, la vue de M1, même derrière de très gros instruments, m’a drôlement déçue! Certes, même si nous avions eu droit à un ciel dégagé à Triel, la condensation gênait considérablement dès le moindre grossissement.

Tandis qu’en Afrique, sur ce haut plateau Saharien, je peux affirmer avoir véritablement découvert ce restant de supernova grâce à ma lunette. Jalon historique de l’astronomie s’il en est, la nébuleuse du Crabe marque, si je puis dire, aux fers rouges la constellation du Taureau. Sous ce ciel, c’est l’extrémité d’une corne…d’abondance que l’on découvre. J’ai surtout le souvenir du fort contraste des filaments de l’explosion initiale par rapport à l’ensemble de l’objet. Ces filaments brillants s’enchevêtrent les uns dans les autres et il reste difficile de croire, en regardant cet instantané, qu’ils se diluent toujours à travers l’espace à la vitesse de plusieurs milliers de kilomètres à la seconde !

 

 

 

 

Autre point important de notre lieu d’observation exotique, la facilité déconcertante alliée au confort pour viser un objet, fut-il au zénith. Contrairement à nos régions humides, point de soucis à s’allonger au sol et craindre de se salir. Au contraire, on peut en toute décontraction feuilleter son atlas, viser sans se tordre le cou et, comble du bonheur, oublier toute pollution lumineuse. La prochaine fois que vous hésiterez à emporter un instrument, quelqu’il soit, prenez-le, vous pourriez en être surpris. Ainsi, après avoir croiser le regard de M64, me vint l’idée de rendre visite au Hibou qui accompagne notre amie la Grande Ourse. Le retrouver avec tant de facilité rend de bon augure cet oiseau pour tenter un tour vers M101. Une spirale si majestueuse devait forcément être décortiquée au 400. Les bras gonflés et tout moutonneux étendaient l’aspect visuel de cette géante comme jamais auparavant. Puis nous sommes allées cueillir le Tournesol avant de rendre visite au Lion et à tous ses rejetons.

Pointent à l’horizon Jupiter et le Scorpion. L’heure tourne et la nuit se termine. Il est temps de retourner se coucher en ayant en tête pour le plus de temps possible cette fugace féerie de lumières. Il n’en restera au réveil que l’envie de revenir s’émerveiller dans le Tassili des Ajjers.

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Magnitude 78,  le club d’astronomie de Saint-Quentin en Yvelines s’est spécialisé depuis plus de 30 ans  dans l’observation  du ciel, la construction d’instruments, le dessin, les voyages…

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