Strock-250

Le mot d'introduction du concepteur

Pierre STROCK

Je ne suis pas un champion de la recherche des renseignements introuvables sur le fabuleux système Internet. Pourtant c’est un merveilleux outil que je pratique depuis 1985, bien avant qu’il ne soit largement domestiqué ! Mais l’ancienneté et l’usage n’ont pas suffit à faire de moi un as du surf. C’est sans doute à cause de ce manque d’habilité que je n’y trouve presque jamais ce qui est certainement très facile à trouver pour tant d’internautes !
Par exemple je n’ai encore pas découvert la moindre mention, photographie ou schéma d’un télescope de bonne taille qui soit véritablement très facile à transporter. Malgrés mon manque d’habilité avec Internet, je persiste à trouver cela curieux : il devrait y en avoir beaucoup. C’est tellement pratique un gros télescope transportable absolument partout !

Les modèles proposés sont pour l’essentiel des dérivés des classiques télescopes de Texereau, de Bourges ou de Dobson, ou bien encore des copies des modèles industriels. Peu sont transportables. J’en ai fait l’expérience dans le passé.
À bien y regarder, les modèles les plus allégés sont des Dobsons dotés de miroirs de très grandes tailles. Car il est possible d’alléger un Dobson tandis que ce n’est pas possible pour les autres modèles. Et aussi, avec les grands miroirs, la plupart des constructeurs ont réduit autant que de possible la mécanique afin de ne pas alourdir inutilement l’ensemble. Mais ces exemples restent globalement intransportables que se soit en sac à dos pour accéder à un site de montagne, dans le coffre surchargé d’une voiture lors des départs en vacances ou dans le petit bagage autorisé pour les transports en avion.

Bref, un jour, j’ai décidé de me lancer dans la construction d’un télescope me permettant de pratiquer l’astronomie partout et à tout moment. Je n’ai trouvé aucun modèle véritablement satisfaisant, et en particulier je n’en ai pas trouvé sur Internet. Il a donc fallu se débrouiller tout seul. Et une fois le télescope réalisé, j’ai trouvé intéressant de résoudre aussi mon problème Internet en y mettant ce que je n’y avais pas trouvé : les plans d’un télescope parfaitement transportable. C’est ce que vous trouverez dans les pages jointes.

Soyons modeste pour le nom

Ce télescope fut baptisé de mon nom de famille par certains membres du club MAGNITUDE 78. Ils ont considéré qu’il comportait suffisamment d’inventivité pour mériter cette marque distinctive.

Au premier abord j’ai trouvé que la chose était fort pompeuse car je ne pensais pas avoir conçu autre chose qu’un petit Dobson compact. Mais à voir l’engouement que suscite ma conception, et à force de discuter de ses avantages et de ses inconvénients, je pense maintenant que ce télescope a réellement quelque chose de distinct et aussi qu’il ne peut pas être classé dans la catégorie des Dobsons.

Certes ce télescope empreinte nombre des bons principes des Dobsons comme la mécanique surbaissée, les oculaires grand champ, les paliers de grandes tailles. Mais si l’on se réfère aux bases posées par John Dobson, ses télescopes pouvaient bien être constitués de bric et de broc pourvu qu’ils permettent d’observer. Tandis que le concept que je propose ne peut pas être fabriqué ni rapidement ni simplement ni avec des matériaux de récupération. C’est même son inconvénient majeur : Il faut le réaliser avec soin et rigueur.

Enfin c’est réellement un télescope de voyage. Il est transportable partout dans le monde dans un sac à dos ! Cette catégorie n’a pas de nom distinctif propre; alors pourquoi pas STROCK-250. De toute manière, c’est le temps et l’usage qui nous dirons si ce nom mérite de persister.

Soyons immodestes pour les caractéristiques

  • Optique performante en ciel profond et en planétaire : Diamètre 250 mm ouvert à F/D=5

  • Des grossissements de 50 à 500 fois avec des images piquées et stables. Une obstruction centrale inférieure à 20% sans effet significatif sur l’image.

  • Très pratique : Tous les accessoires sont inclus dans moins de 12 kg, on observe confortablement assis, on règle la collimation sans quitter l’oculaire, aucune vis ne peut se perdre, …

  • Excellente transportabilité : Un seul bagage type cabine avion de 53 x 38 x 20 cm. Le télescope lui-même ne fait que 7 kg et 44 x 36 x 16 cm une fois replié.

  • Une optique inespérée pour un télescope de sac à dos transportable au bout du monde !

Les besoins, les contraintes et les insatisfactions

 » Celui qui n’est pas né avec l’insatisfaction de tout ce qui existe n’arrivera jamais à la découverte du nouveau. » Georges Bernard Shaw (sauf erreur)
Et j’ajoute que, pour qui n’a pas un observatoire tout équipé à quelques pas de chez lui, la pratique de l’observation astronomique est limitée par quatre sources d’insatisfaction :

 

La météorologie,

L’amateur ne peut pas passer ses loisirs à attendre le beau temps sans rien faire. Il ne peut que profiter du beau temps là où il se trouve, au moment où il a des loisirs. Ceci lui impose d’être en mesure de pratiquer n’importe où et n’importe quand.
La transportabilité du matériel d’observation

En avion, les bagages sont limités en taille et en poids, en train il faut pouvoir tout porter à la main en une seule fois et en voiture il n’y a pas toujours assez de place pour les bagages de toute la famille. L’amateur qui choisit du matériel transportable choisit bien souvent une simple paire de jumelle ou une lunette de tout petit diamètre.

 

Les performances

Un petit instrument a beau être facile à transporter loin des lumières parasites ou au sommet d’une montagne, il n’en est pas moins décevant à l’usage. Et lors d’un voyage aux antipodes, il est cruellement frustrant de ne pas avoir pu transporter un instrument de bonnes performances et donc de gros diamètre.

 

La motivation de l’observateur

Chaque fois que la météorologie le permet, si l’amateur n’a pas son instrument ou bien en a un trop petit ou bien encore s’il lui faut plusieurs trajets pour tout charger dans une voiture ou beaucoup de temps pour le monter et le démonter, alors sa motivation diminue et il pratique beaucoup moins.

 

Donc tout amateur d’observations astronomiques a besoin dans sa panoplie d’un très gros et très bon instrument, transportable à la main, en avion, en train et en voiture partout dans le monde. De plus il doit être facile de mise en œuvre et confortable d’utilisation. Force est de constater qu’il n’existe pas de tels appareils dans le commerce !

Toutes les bonnes idées du moment

La lecture des ouvrages d’astronomie, la consultation des revues, les quelques sites Internet que j’ai trouvé et la participation aux rencontres astronomiques permettent de collecter les bonnes idées issues de l’expérience de nombreux amateurs. Elles sont indispensables à la conception puis à la réalisation d’un instrument performant.

Les bonnes idées retenues pour le STROCK-250 sont mentionnées ci-dessous. Elle concentre l’essence de la science du moment des concepteurs d’instruments d’observation.

 

Diamètre : Le célèbre ouvrage de Danjon et Couder écrit en 1930 démontre l’intérêt en toutes circonstances (c.-à-d. et entre autre même avec de la turbulence) de disposer du plus grand diamètre optique possible. Il faut donc faire l’instrument avec le plus grand miroir possible.

 

Obstruction : Thierry Legault démontre sur son site Internet (http :// perso.club-internet.fr / Legault / index_fr.html) l’intérêt de limiter l’obstruction centrale : « La modification des performances due à l’obstruction de 20 % est peu sensible. Une telle obstruction peut être considérée comme presque négligeable, elle est probablement difficile à distinguer en pratique d’une obstruction nulle. »

 

Collimation : Divers sites Internet expliquent les défauts des diverses formules optiques dont la coma qui limite les performances de la formule de Newton. L’image de qualité ne fait que 2 à 3 millimètres de diamètre pour un miroir ouvert à 5. Il faut donc être en mesure de parfaitement centrer l’oculaire sur le foyer de l’instrument c’est-à-dire pouvoir parfaire la collimation autant que de besoin. Le site de Thierry Legault indique les conséquences d’une mauvaise collimation sur la qualité des images.

 

Turbulence : On commence à voir des études bien argumentées sur la mise en température des miroirs et sur la turbulence dans les tubes optiques, en particulier dans les Newtons. Il en ressort que les miroirs minces se refroidissent plus vite et qu’une ventilation sur l’arrière du miroir est un minimum indispensable qui assure qu’en moins d’une demi-heure le miroir est en température. Il est en fait préférable de placer la ventilation sur le bord du miroir pour éliminer la « couche limite » qui se forme sur la surface optique, qui concentre l’essentiel du gradient de température et qui perturbe le front d’onde.

Support de secondaire : À bien regarder les miroirs secondaires des gros Dobson dans les rassemblements d’amateurs, ils sont tous supportés par trois points de colle. La colle dite « silicone pour aquarium » est une merveille de la technicité moderne. Il est inutile de chercher plus compliqué.

 

Pattes d’araignée : La diffraction de la lumière par les pattes des araignées conduit obligatoirement à une perte de contraste des images que les aigrettes soient visibles ou pas. La perte de contraste est proportionnelle à trois causes :

1. La surface qui occulte le cylindre de lumière entrant. Il faut considérer la longueur totale des pattes par leur épaisseur.

2. Le volume de la couche d’air chaud à la surface des pattes qui va dévier d’autant la lumière que la largeur des pattes est importante. Il y a toujours une couche limite qui concentre le gradient de température entre le matériau et l’air ambiant. Il faut considérer l’épaisseur limite multipliée par la longueur des pattes, multipliée par deux côtés et par la largeur des pattes. Ceci procure une perte de contraste plus importante que le point 1 en général.

3. Le coefficient d’émission du matériau couvrant les pattes. Celui-ci régule la vitesse de thermalisation des pattes et donc l’épaisseur de la couche limite. Typiquement des pattes en métal poli perdent plus vite leur chaleur et ont une faible différence de température avec l’air que si elles sont peintes ou vernies. Le métal poli a une épaisseur de couche limite très faible.

On commence à trouver des exemples intéressants de fixations de secondaires faites avec un maillage triangulé de fils et entre autre de fil très fin en Kevlar. L’épaisseur est très faible et la largeur est ridicule. Cela semble aussi résistant que des feuilles d’acier et nettement moins diffusant. À voir …

 

Barillet : Des logiciels de calcul aux éléments finis comme PLOP (de David Lewis, université de Toronto et Toshimi Taki) permettent d’optimiser les barillets pour minimiser les déformations des miroirs tout en réduisant leur épaisseur et donc la masse des télescopes. Incidemment ils permettent de tordre le cou à certaines approximations. Comme celles qui consistaient jadis à supporter un miroir en trois points à 100% du rayon (sur les conseils de Texereau) ou à 70% du rayon (comme le font encore actuellement tous les fabricants). Définitivement, c’est à 42,5% qu’il faut placer les trois points ! Dans le cas du STROCK-250 supporter en trois point un miroir de 255 mm en Pyrex de 27 à 28 mm d’épaisseur (minimum constaté au bord des miroirs dits « minces » du commerce) déforme l’onde de Lambda sur 14 PV (Pic Vallée). Comme cette déformation n’a aucune chance de compenser les défauts du miroir mais au contraire de les accentuer, il est préférable de faire un barillet à 6 ou 9 points. Pour le miroir considéré, tous les modèles de barillet 9 points déforment l’onde de moins de Lambda sur 40 PV. On peut citer : Le barillet traditionnel supportant aux rayons médians de 9 surfaces égales soit à 40,82% et 81,65% du rayon avec des angles de 30°; le barillet des STROCK-250 supportant aux barycentres de 9 surfaces égales soit à 31,83% et 77,12% du rayon avec des angles de 30°; ou bien encore quelques configurations qui présentent divers avantages particuliers 40%-71%-32,5° et 40%-80%-32°; etc. Bref, les barillets à 9 points n’ont pas besoin d’être fabriqué de manière hyper précise et ils donnent tous d’excellent résultats.

État de surface des miroirs : On commence à trouver des arguments et des démonstrations de l’intérêt de la qualité « super poli » pour les miroirs de télescopes. Par exemple sur le site de J.M. Lecleire (www.astrotelescope.com).

 

Dobson : La révolution de John Dobson a montré que nul n’est besoin d’une mécanique de précision pour l’observation visuelle. C’était exactement le contrairement de ce que préconisaient les puristes et les professionnels de l’astronomie dans leurs conseils aux amateurs. Et depuis les années 1990, on ne cesse d’optimiser la combinaison de Dobson qui est excellente tant pour observer les planètes avec d’énormes grossissements que pour le ciel profond avec des grossissements plus raisonnables. Pour mémoire cette combinaison est : Le plus gros miroir possible, aucune mécanique mais des paliers à grand rayon équipés de patins de Téflon (de préférence en tissus couverts de Téflon) portant sur du Formica texturé; une structure surbaissée pour permettre une construction en bois à moindre frais dotée d’une grande stabilité et peu vibrante; éventuellement un correcteur de champ pour les miroirs les plus ouverts; et enfin des oculaires à très grand champ.

 

Exemples : Dans les revues publicitaires comme « Sky & Telescope » on arrive à trouver parfois quelques entrefilets sur des réalisations d’amateur ultra allégées. On en trouve bien plus sur les sites Internet des amateurs désintéressés. Ce sont des guides précieux pour la conception d’un instrument. Mais ce sont souvent des miroirs de plus de 50 cm de diamètre et des réalisations typiquement nord américaines : C’est-à-dire pour des personnes qui ont un très grand coffre de voiture et qui sortent exceptionnellement de leur voiture et de leur état. Il faut donc transposer leurs exemples.

 

Rangement : Les poupées russes sont de merveilleux exemples de rangements optimisés. À n’en pas douter, il y a certainement des centaines d’heures d’études fonctionnelles, des dizaines d’heures de calcul d’ordinateur et des mois d’assurance de la qualité pour arriver à ce niveau de perfection. Un pur produit de l’ingéniosité humaine accessible grâce à la haute technicité et aux méthodologies de pointe du 20ème siècle. À n’en pas douter la poupée russe est au rangement ce que la roue est au transport !

 

Quincaillerie : On trouve de nos jours dans le commerce toute sorte de composants ultra légers en fibre de carbone et en toiles fines pour ceux qui pratiquent le cerf volant; des produits variés en aluminium et en Téflon; de la quincaillerie en tout genre vendue par correspondance, etc. Il y a donc toutes les raisons de croire que tout est faisable. Ceux qui brident leur imagination par crainte de ne pas trouver l’accessoire adéquat se mettent des bâtons dans les roues !

 

Bricolage : Sauf erreur c’est Pierre Bourges qui mentionne dans un de ses livres que le principal défaut des amateurs bricoleurs est la peur de faire trop léger et la tendance a fabriquer trop costaud. Ce qui conduit à des instruments parfois inutilisables. Il faut donc réussir à faire trop fragile sur un prototype puis renforcer juste ce qu’il faut pour être certain de ne pas faire trop lourd.

La réalisation d'un prototype

La technique des poupées russes me semblait être la bonne idée pour satisfaire bien des contraintes de rangement et de transportabilité. La cage secondaire se range dans la cage primaire au-dessus du miroir. Le tout dans la partie inférieure de la caisse. La partie supérieure de la caisse, une fois retirée, sert de trépied et d’axe d’azimut.

Ensuite mes études ont montré qu’il fallait une araignée de faible hauteur. C’est ce qui permet de réduire la hauteur et la masse de la cage du secondaire et conséquence de tout le télescope.

En transposant les plans des gros Dobson à des miroirs de 200 à 300 mm je me suis rendu compte que ceux-ci sont trop légers et nécessitent un contrepoids. Il y a sur le site d’ALTAZ un exemple de ce type et la contrepoids fait rien moins que 5 kg. Pour s’en passer, il faut donc un tube, une cage secondaire et un pare lumière ultra allégés. Il faut aussi une cage primaire haute et agrandir au maximum le rayon des paliers d’altitude pour placer le centre de rotation loin du miroir : L’axe d’altitude est distant du miroir de l’épaisseur de la cage primaire plus le rayon des paliers

Et puis un jour je suis tombé en arrêt devant un cerf volant pour enfant en forme de tube cylindrique. Il était conçu comme les anciens chapeaux claques : En un tour de main il se repliait à plat en forme d’iris. Et il ne pesait que 60 grammes. C’était l’idée que je cherchais pour faire un tube et un pare lumière pare buée très léger et rangeable à plat.

C’est fort de ces considérations que je me suis lancé dans la réalisation des plans d’un prototype de type DOBSON de 200 mm à F/D 6. Les plans du prototype ont été achevé dans le courant de l’été 2002.

Divers essais ont été faits sur le prototype dont le chercheur installé sur le passe filtre. Me connaissant, j’avais besoin de réaliser ce prototype avant de me lancer dans le télescope définitif. Cela m’a permis de tester toutes mes idées y compris celles qui ne marchent pas. Et cela m’a permis de rater toutes sortes de pièces et ainsi de savoir où étaient exactement les difficultés dont la conception devait être améliorer.

Le prototype fut terminé début 2003. Il fait 34 x 34 x 17 cm pour 7 kg.

Il est équipé d’un miroir du commerce acheté en 1979 chez Devaux-Chevet : 200 mm F/D=6 Pyrex de 33 mm 2,85 kg. Comme ce miroir est trop léger, il y a un contrepoids ! Surface à Lambda sur 5, bon rapport de Strehl inférieur à 50% sauf sur le bord où il monte à 270%, pas mal de mamelonnage et de micro mamelonnage. Depuis 1979, la protection de l’aluminure s’était dégradée et les images en soufrent. Optiquement le prototype n’est pas excellent.

Mais mécaniquement, c’est une merveille qui respecte le cahier des charges. Certaines parties encore trop solides peuvent être allégées ou amincies. À l’usage, l’instrument est très pratique, parfaitement transportable et bien agréable à utiliser. Je l’ai transporté en voiture et en train très souvent : Il résiste bien et protège parfaitement les optiques des vibrations et des chocs. Le mieux est de le loger dans un sac à dos.

Pour l’anecdote, lorsque je fais un voyage en voiture de nuit, si je trouve que le ciel est beau, je profite d’une route de traverse et je m’arrête observer. C’est un régal ! C’est rapide, performant et on profite de chaque éclaircie météorologique. On a l’impression d’observer tout le temps !

Le prototype met en évidence qu’il y a une marge de manœuvre qui permet d’envisager sur le même concept, un 250 mm à F/D 5. Il reste même de la place pour loger les oculaires et les atlas. Bref de quoi satisfaire bien des observateurs exigeants.

L'amélioration des plans

Je me suis lancé dans les plans du modèle définitif au printemps 2003 en me reposant les questions de base, car la seule manière rationnelle de commencer est de se demander : Pour faire quoi ou encore pour quoi faire ? En résumé, je cherche de belles images susceptibles de réjouir les sens : grandes, lumineuses, pleine de détails fins et colorés, sans vibration ni turbulence. Le tout doit être observable confortablement grâce à un appareil pratique à utiliser, à mettre en œuvre, à transporter et à ranger. J’ai éliminé certains défauts du prototype (base trop haute, bois trop épais sur la cage primaire, fixation des tiges par l’intérieur de la cage secondaire, bouton de serrage trop petit, …), et aussi une partie des difficultés de réalisation (vis de collimation cachées dans l’épaisseur du bois, …) et enfin quelques tentatives peu concluantes (chercheur monté sur le passe filtre, ventilation de la surface du miroir, passe filtre articulé, …). Certaines conséquences des choix que j’ai fait sont à l’évidence capitales tandis que d’autres peuvent sembler anecdotiques selon les a priori de chacun. Pour l’amusement voici ce que je pense de quelque unes

Faut-il un télescope pour observer ?

Pour obtenir de belles images, il suffit de nos jours de se brancher sur Internet ou d’en acheter dans les magasins spécialisés. J’ai essayé et j’en ai une très belle collection. Je suis convaincu que je ne verrai peut-être jamais de telles images dans aucun de mes instruments … Et pourtant je persiste à vouloir les observer par moi-même avec mes télescopes. La seule raison que j’ai pu trouver à ce comportement anachronique est que le télescope donne à voir la réalité en vrai tandis que les images, quelle qu’en soit la forme -diapositives, posters ou écran d’ordinateur- ne donnent qu’un reflet de la réalité. À l’instar de la peinture, ce sont des œuvres en elles-mêmes, elles sont belles en temps qu’image, et on admire la composition, le cadrage, les couleurs, le piqué mais ce n’est pas le monde vrai.

Bref, l’image est à l’amateur d’observation astronomique ce que le surgelé est au fin palet : ça n’a plus le goût du produit frais, ce n’est pas inintéressanst mais c’est autre chose !

Faut-il fabriquer et transporter un siège ?

Les livres d’astronomie regorgent d’arguments techniques, longuement justifiés par l’expérience, sur la nécessitée du confort pour atteindre la meilleure perception des détails. De par mon expérience, je ne trouve rien à ajouter ou à retrancher à ces arguments. C’est un fait : Il faut être bien installé.

Nous arrivons là à une des nombreuses contraintes à respecter pour la réalisation du télescope du futur : Il faut que l’oculaire soit pile à la hauteur de l’œil lorsque l’astronome est confortablement installé pour passer une agréable nuit d’observation.

Car supposons que la hauteur de l’oculaire soit un poil trop élevée. Et bien il faut que toute la colonne vertébrale fournisse un effort pour s’étirer tout au long de la nuit. Outre que la chose ressemble à s’y méprendre à une activité sportive, avec tous les risques inhérents à cette activité de si triste réputation, cela est fort désagréable pour le corps à l’heure de son dodo réparateur quotidien. La conclusion qui s’impose est donc claire : L’oculaire ne doit pas être trop haut, même d’un poil.

Tirons toutes les conséquences de ce détail et nous arrivons à l’obligation d’emporter une chaise dont l’assise doit être calculée selon la morphologie de chacun. Ensuite une rapide réflexion vous montrera qu’il est difficile de concevoir un télescope de 125 centimètres de focale dont l’oculaire est en dessous de 115 à 125 centimètres au-dessus du sol. Enfin une petite étude de votre morphologie, des chaises de cuisine, des tabourets de bar et des chaises pliables les plus usuelles du commerce vous obligera sans doute à conclure comme moi qu’il faut fabriquer un siège sur mesure.

Que ne ferrait-on pas pour aller au bout de ses idées ?

Faut-il un miroir encore plus grand ?

Il faut un miroir aussi grand que possible. Cela a été démontré par Danjon et Couder depuis le début du siècle dernier. Mais tout le monde ne saisi pas toujours pourquoi cette nécessité est si impérieuse pour les objets étendus et de faible luminosité. On peut pourtant le comprendre dans sa chambre à coucher !

Pour tous les objets du ciel, plus le télescope est gros et plus il collecte de lumière. Mais pour les objets qui ne sont pas ponctuels comme les étoiles, le télescope grossit et donc la lumière collectée est répartie sur une surface d’autant plus grande que l’on grossit davantage. Et donc la luminosité de chaque point de l’image est en fait la même que dans un télescope plus petit. La démonstration vaut la peine d’être lue dans le Danjon et Couder. En résumé, les objets du ciel profond ne peuvent pas être plus lumineux dans un télescope qu’à l’œil nu. Et la luminosité maximale est obtenue pour une pupille de sortie maximale de 6 à 7 millimètres.

Si les objets ne sont pas plus lumineux dans un plus gros télescope, en revanche ils sont plus gros. Et c’est ce qui fait la différence. Pour bien le comprendre, il faut faire l’expérience de la gravure dans la chambre à coucher.

Soit une chambre à coucher occupée comme il se doit par un dormeur. Supposons que celui-ci se lève la nuit et qu’il n’allume pas la lumière. Sa pupille est parfaitement dilatée et sa rétine au mieux de la sensibilité pour les faibles lumières. La très faible lueur qui filtre au travers des rideaux éclaire faiblement les objets de la pièce. La gravure encadrée au mur à donc toutes les caractéristiques d’un objet du ciel profond observé par un astronome à l’œil nu.

De loin, notre ex-dormeur ne distingue qu’une tache en forme de cadre. En s’approchant, la taille apparente de la gravure augmente et son éclairement ne change pas. On est dans la même situation qu’avec un télescope : à pupille de sortie égale, la luminosité des objet étendus ne change pas mais ils sont plus ou moins gros selon la taille du miroir. Dans le cas de l’ex dormeur, la forme de la gravure se distingue. Et plus il s’approche et plus il y a de détails visibles. L’image reste la plupart du temps en noir et blanc. Et il faut être collé à la gravure pour voir tous les détails.

Si l’ex-dormeur allume puis éteint, la luminosité de la gravure n’a pas changé, mais la taille de sa pupille s’est réduite du fait de l’éblouissement et elle mettra plusieurs minutes à revenir à son maximum. Pendant ce temps, les gravures et leurs détails seront invisibles.

Chacun peut faire l’expérience pour bien sentir l’importance du grossissement avec les faibles lumières : Il faut s’approcher le plus possible ce qui revient à grossir sans réduire la taille de la pupille.

Donc pour les objets étendus et de faible luminosité, il faut absolument le plus grand miroir possible. Il n’y a qu’à …

Les optimisations nécessaires à la compacité

Toutes mes réflexions m’ont conduit à de nombreux choix d’optimisation. Il est intéressant d’en lister quelque uns pour ceux qui souhaiteraient prendre des libertés avec la conception proposée. Car il faut bien noter que la compacité de l’ensemble oblige bien des pièces à respecter plusieurs contraintes ou à assurer plusieurs fonctions. Il serait hasardeux de se lancer à en modifier une sans avoir bien réfléchit à toutes les conséquences.

 

La taille maximale du miroir est donnée par la largeur du bagage cabine avion de 40 cm moins 1 cm de chaque coté pour la toile et la mousse du sac de transport, moins 2 cm pour les pieds du siège qui se rangent sur le coté, moins 1 cm de chaque coté pour la caisse, moins 0,75 cm de chaque coté pour la cage du primaire, moins 2 cm de chaque coté pour la cage du secondaire, moins 1,5 cm de chaque coté pour ne pas vignetter le cône de vision : Il reste de la place pour un miroir de 255 mm optique. Il serait sans doute possible de ne pas mettre les pieds du siège dans le bagage; il serait aussi possible de réduire l’épaisseur de la cage du secondaire à 1,5 cm et il serait enfin possible de limiter l’espace anti vignettage au strict minimum soit 1,2 cm. Dans ce cas un miroir de 290 mm de diamètre optique serait envisageable !

 

L’épaisseur du télescope rangé est volontairement limitée pour réduire la masse de l’ensemble. Les jeux entre les différentes pièces emboîtées découlent de l’épaisseur du bagage cabine avion de 20 cm. Ce qui inclus 1 cm de chaque coté pour la toile et la mousse du sac de transport, 1 cm pour les atlas et 1 cm de marge pour mettre des bretelles de sac à dos et divers accessoires comme le filtre solaire dans sa pochette. Il reste donc 16 cm pour le télescope qui inclus : 0,5 cm de patin de glissement et autres pièces saillantes, 0,5 cm d’épaisseur de caisse de chaque coté, 1 cm pour les paliers rangés dans le couvercle, 0,5 cm de jeu pour ranger la toile, 9 cm de cage secondaire, 1,5 cm de plaque de fond et de barillet. Il ne resterait donc que 2,5 cm de miroir avec sa protection pour le transport. Il n’y a donc en apparence pas assez de place pour le miroir dans la caisse du télescope rangé. Mais en réalité on récupère 1 cm à l’intérieur de la cage du secondaire pour y insérer les 0,3 cm de couvercle du primaire, les 0,4 cm de jeu nécessaire à la collimation et 0,3 cm de plus ce qui fait un miroir de 2,8 cm d’épaisseur. Si les aléas de fabrications réduisent par trop la place disponible pour le miroir, on peut récupérer les 0,5 cm du rangement de la toile.

La limitation de l’obstruction centrale et l’épaisseur totale du télescope imposent un porte oculaire de 31,75 de taille basse à court débattement.

La limitation de l’obstruction centrale, le porte oculaire de 31,75 et le souhait de ne pas avoir d’assombrissement (vignettage) en bord d’image impose une surface optique pour le miroir secondaire de 45 mm de petit diamètre. La présence de défauts en bords de secondaire pousse à choisir un miroir de 50 et à la limite de 55 mm.

Le choix de 31,75 mm limite le champ stellaire maximum de 1,2° . Ce qui nécessite un oculaire qui puisse exploiter sans trop vignetter un diamètre d’image au foyer de 26 à 28 mm de diamètre. C’est ce que prétendent les constructeurs des oculaires 67°-24mm et 82°-16mm.

Le confort d’utilisation (en particulier lors de la mise en place d’une Barlow de 180 grammes, de nuit, sur un tube optique d’à peine 5 kilogrammes posé sur des patins de Téflon) impose des oculaires parafocaux. Car il est déjà délicat de changer d’oculaire ou de mettre une Barlow, il ne faut pas en plus que cela impose une pénible mise au point hélicoïdale. De même la transportabilité imposent un porte oculaire très léger donc hélicoïdal ce qui impose aussi des oculaires parafocaux. Hélas peu de constructeurs d’oculaires et de Barlows ont compris cette contrainte forte commune à tous les gros Dobson.

Le confort d’utilisation impose d’observer assis avec l’œil à la hauteur de l’oculaire pour le zénith. Ce qui impose une hauteur d’assise de 55 cm (voir plus selon la morphologie). Les chaises usuelles comme les pliants de camping sont tous en dessous de 45 cm. Il faut donc un siège adapté. C’est pourquoi il fait parti des plans et doit être rangeable dans le sac de transport.

 

La transportabilité en avion impose de ne pas avoir de pièce de métal autre que l’aluminium. Et aussi les branches de l’araignée ne doivent pas ressembler à des lames de rasoir lors des contrôles aux rayons X. Il faut donc limiter la taille des vis, l’usage des clous et faire les branches de l’araignée en fils ou bien en plat d’aluminium ou encore en feuille de carbone.

La transportabilité impose de ne pas avoir de contrepoids. Les plans proposés le permettent. Il faut donc respecter les masses, les matériaux et la position du centre de rotation du tube optique. En particulier il faut un miroir de 3,00 kg soit 254mm en Pyrex de 28mm (Attention le verre à vitre est 10% plus lourd), une focale entre 1220 et 1270 mm, des paliers en Téflon sur aluminium (Téflon sur Formica ne donne pas de bons résultats pour un tube optique qui ne pèse que 5 kg), etc.

Le secondaire voit sa masse varier de 350 grammes selon qu’il n’y a pas d’oculaire ou qu’il y a un oculaire grand champ plus une Barlow parafocale. Le calcul des forces de frottements, montre que l’équilibre des paliers d’altitude est « délicat ». Diverses perturbations peuvent empêcher de garder l’équilibre lors des changements d’oculaires. Par exemple : Une toile trop lourde, un chercheur trop lourd, un contreplaqué trop lourd (ça varie d’un fournisseur à l’autre !), un porte oculaire du commerce (ils sont tous bien au-dessus des 90 grammes du miens), un miroir primaire trop lourd, etc. Tous ces risques imposent une mesure de prudence : Il faut pouvoir ajouter un ressort (au moins sur un des paliers) pour augmenter les forces de frottement. Sans quoi on prend le risque de devoir transporter un contrepoids et pire encore de devoir le changer selon les oculaires utilisés !

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Magnitude 78,  le club d’astronomie de Saint-Quentin en Yvelines s’est spécialisé depuis plus de 30 ans  dans l’observation  du ciel, la construction d’instruments, le dessin, les voyages…

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